vendredi 31 janvier 2020

Le géant

El Teide, Tenerife, Canaries

Il y avait l’océan, d’un bleu azur, les pins verts majestueux, les fleurs de janvier, les petits villages accrochés aux coulées de lave pétrifiées, les routes sinueuses, les villes coloniales pleines d’un charme désuet qui ne se laissaient découvrir qu’à condition de se perdre dans les ruelles où le temps semblait s’être arrêté. 

Le soleil dardait ses généreux rayons et pourtant c’était le règne de l’hiver et le vent soufflait souvent en rafales tempétueuses. Les chemins de randonnée ne se laissaient dompter qu’à condition d’avoir les genoux solides, les cuisses entraînées et l’envie de grimper, encore et encore pour atteindre des crêtes effilées alors que la descente nous faisait côtoyer des ravins profonds. La laurisylve du Nord dont les arbres se courbaient au-dessus des chemins comme pour nous saluer contrastait avec le climat aride du Sud où seuls les cactus poussaient de manière désordonnée ou avec les immenses champs magmatiques du centre de l’île. 

Les bananes, cultivées sur toutes les pentes, laissaient dans la bouche un goût très sucré, comme si elles étaient imbibées naturellement d’un rhum succulent dans lequel le soleil s’était noyé. 

Mais, même si mes yeux s’émerveillaient de toutes ces belles choses, ils revenaient toujours vers lui, majestueux, régnant tel un géant sur tout l’archipel. Trônant au milieu d’une vaste plaine composée de centaines de cônes, de coulées ou de grottes pétrifiées, il observait, presque imperturbable jusqu’à son prochain éclat, ceux qui s’aventuraient sur la caldera. 

Ce jour-là, le ciel était d’un bleu intense et au bout de la plaine, des masses de brouillard s’écoulaient sans pouvoir envahir totalement le vaste plateau. Irascible, le vent ne faisait qu’accroître une impression profonde de désolation. La température à cette altitude de 2400 mètres ne dépassait guère les cinq degrés et il a fallu s’accrocher pour parcourir les premiers mètres dans cette atmosphère hostile. 

Cela fait longtemps que les volcans me fascinent, peut-être à cause de mon tempérament. Terres inhospitalières, destructrices, ils sont les vecteurs qui relient le centre de la terre à la surface du monde. J’en ai gravi, certains en activité et d’autres assoupis. Mais lui a exercé sur moi une fascination particulière, altier sur son plateau désertique. Et le silence de la caldera, perturbé seulement par le souffle colérique du vent, m’a emportée au plus profond de moi-même. Figure de l’amant, symbolisant la virilité du feu et des masses en fusion, le géant met l’homme qui ose pénétrer dans son espace statufié face à la petitesse de sa condition presque écrasée par la toute-puissance d’une nature personnifiée. 

Le colosse dormait mais on ne sait quand il va se réveiller et cette incertitude n’est pas étrangère au fantastique. Et pourtant, je suis sûre que pendant que je luttais contre les bourrasques sur ce plateau, quand je grimpais à l’assaut des crêtes, quand je contemplais l’océan, il me faisait sans cesse des clins d’œil, m’appelant irrésistiblement, comme s’il voulait te rendre jaloux. 

Peut-on tomber amoureuse d’un cracheur de feu ?



Dédé © Janvier 2020

vendredi 17 janvier 2020

2020: briser la glace?

Scène de rue prise sur le vif

Et si, durant cette nouvelle année, on apprenait à se rencontrer soi-même dans un voyage intérieur, pour s’écouter et déchiffrer notes après notes ses émotions, ses désirs et ses besoins ?

Et si être bien avec soi-même, en accord avec ses potentialités et en résonance avec son environnement, devenait la route à suivre pour éviter les chemins de traverse qui ne font que nous égarer dans des brouillards opaques ?

Et si ce sentiment de soi permettait enfin d’être en accord avec autrui et de briser pour toujours la glace de nos préjugés ?

Et si nous étions phare pour soi et boussole pour les autres ?


"Je suis vaste, je contiens des multitudes." Walt Whitman, Feuilles d'herbe.

Dédé © Janvier 2020