vendredi 28 février 2020

L'Autre



La vie est imprédictible. Tout bascule parfois en un instant, celui d’un regard, le contact d’une main, un sourire de la part d’un visage intercepté dans la foule des anonymes, repéré dans un espace-temps infinitésimal. Il y a de ces rencontres que l’on fait au hasard d’un chemin ou dans d’autres endroits dans lesquels on n’aurait jamais imaginé que le hasard de nos vies écrive une nouvelle page. Il s’échange des paroles débouchant par la suite sur des relations sincères d’amour ou d’amitié. Puis, la connaissance de l’autre semble peu à peu tout acquise et l’effet de la surprise s’estompe avec le temps car souvent nous rejetons la complexité de l’être aimé pour nous protéger d’une angoisse incommensurable si tout venait à basculer dans l’imprévisibilité de l’existence humaine.

Pourtant, la connaissance intime de l’autre n’existe pas. Elle n’est qu’une illusion forgée par l’être humain pour l’apaiser et lui faire miroiter l’espace d’un temps que les échanges avec ses semblables sont simples à appréhender, comme si tout était écrit d’avance. 

Afin de tenter de comprendre et de capter la profondeur de l’autre, nos yeux glissent sur les ridules de son visage, sur les ombres laissées par les larmes ou la lumière transcendée par un sourire, croyant dessiner avec un pinceau la toile inachevée de sa présence et de sa consistance. Remplis de nos suppositions, nous croyons percevoir de lui ce qu’il nous montre mais cela n’est-il pas qu’un leurre, pensées imaginaires et soupçons fragmentés d’une vie qu’on imagine ? Finalement nos rencontres ne sont-elles pas que des images furtives, un scénario déjà imaginé que nous cherchons sans cesse à remettre au centre de nos existences quand nous comprenons que la réalité s’effrite dans nos espoirs déçus ?

Ainsi, les hommes et les femmes que nous abordons et croyons ensuite connaître ne représentent peut-être que des ombres projetées par notre propre imagination, ce que nous voulons croire d’eux alors qu’ils sont possiblement à cent lieues d’être ce que nous pensons. L’existence humaine devient alors un flou, un imbroglio d’émotions difficilement gérables, un noir et blanc tortueux où les formes de nos semblables se transforment en êtres fantomatiques.

Vraiment ? Cela serait si déroutant !

C’est pourquoi, chaque jour, il nous est donné d’approfondir, en gardant un esprit bienveillant et conscient de soi, notre connaissance des autres, afin de construire entre nous quelque chose de plus solide qu’un château de cartes éphémère qui s’écroulerait à la moindre contrariété, au moindre échange mal interprété.

Dédé © Février 2020

mercredi 26 février 2020

Ne pas renoncer

Mes chères lectrices et mes chers lecteurs,

Je publie à nouveau ce texte. Il avait été publié il y a deux semaines environ mais ce soir, j'ai fait quelques manipulations (en étant sans doute un peu trop fatiguée et pas assez attentive) sur mon blog et le texte a disparu de mon interface et vos commentaires avec. Heureusement, je sauvegarde toujours mes écrits sur un autre support ainsi que mes photos. Je vous livre donc à nouveau cet écrit mais sans vos commentaires qui sont partis, je le crois, à l'assaut des montagnes de la blogosphère. Mille excuses à vous toutes et tous! 
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Las Cañadas del Teide, Tenerife, Canaries


« Cher ami,

Je ne voudrais pas vivre dans un monde plat, désespérément lisse, où l’œil se perd dans l’infini pour ne plus revenir. J’ai besoin de l’éclat du soleil en fin de journée sur les pics acérés, j’ai besoin de ce bleu profond qui s’installe avant la tombée de la nuit et qui noie dans ses nuances subtiles les contours des sommets.

J’ai besoin de la beauté des montagnes, de leur noblesse. Je dois savoir qu’elles sont là comme un rempart contre ce monde trop bruyant, contre ces choses, ces événements, ces gens perturbateurs qui m’écorchent, qui me fatiguent.

Je veux entendre encore et encore le vent qui souffle sur les corniches, les roulements des cailloux sous mes pas impatients, le cri de l’aigle qui survole les crêtes et le murmure des pierres contant les premiers jours du monde.

Une montagne ne ment pas, ne méprise pas, ne juge pas.  Elle se tait dans sa splendeur, elle observe sans parler, elle surplombe sans se mettre au-dessus. Et si tu n’arrives pas à la gravir, elle ne t’en voudra pas parce que tu n’as pas trouvé la bonne voie pour accéder à son ultime essence.

Quand mes forces m’abandonneront un jour, elles seront toujours là dans les souvenirs de toutes ces randonnées sur leurs flancs gracieux.

Alors je gambaderai dans la mémoire des pierres, grimpant encore et encore jusqu’à atteindre le ciel, voire l’au-delà.

Mais il est encore trop tôt, mon ami, pour renoncer aux sommets car le brouillard n’a pas encore vaincu le soleil et l’air frais des cimes nous attend. Alors partons, là-bas, partout, ailleurs. Et ne laisse jamais toutes ces turpitudes nous faire oublier combien la nature est belle et bienfaitrice contre tous les maux qui souvent nous envahissent.

Viens mon ami, prends-moi la main. »

Texte coécrit avec mon ami Xtian, amoureux des montagnes lui aussi

Massif du Mont-Blanc, France


Dédé © Février 2020