vendredi 27 novembre 2020

L'étoile du jour

 


Et soudain, l’étoile du jour a surgi au faîte des arbres élancés, comme une sentinelle, pour éclairer d’un dernier rayon le tapis flamboyant de l’automne. C’est à ce moment que les feuilles mortes, depuis l’au-delà, ont murmuré des comptines d’enfance, de ce temps où l’on croyait encore aux farfadets espiègles peuplant la forêt magique. Dans ce brouhaha un brin mystérieux, l’automne a alors dansé tel un vieux fou revêtu de ses couleurs chaudes, comme s’il tirait sa révérence pour ne plus jamais revenir.

Echangeant un regard complice, nos mains se sont serrées et nous avons plongé dans les bois pour disparaître à tout jamais, enfermant entre nos doigts impatients des fragments de l’étoile du jour.

Nous en avons tapissé les parois de nos cœurs pendant que les feuilles mortes, là-bas, tournoyaient une dernière fois dans le vent froid de novembre.

 

Dédé © Novembre 2020  

vendredi 13 novembre 2020

L'automne d'or


Là où la vigne pousse, l’automne est d’or et l’homme est heureux.

Il faut emprunter l’un de ces petits chemins qui se détachent de la plaine et grimpent entre les murailles de pierres sèches. Et soudain, dans ces parcelles suspendues entre ciel et terre au-dessus du Rhône, c’est l’émerveillement.

Au fil des saisons, le vigneron cajole sa vigne qui ne fait qu’une avec son âme et son corps penché au-dessus des ceps. Au printemps, il faut lui parler avec douceur pour qu’elle daigne s’épanouir en de gais bourgeons puis en de tendres feuilles vertes. L’été, sous une chaleur digne du Sud, elle grandit encore et encore et les grappes s’alourdissent, craignant pourtant les orages parfois violents. En septembre, la vigne est gorgée de chaleur et du soleil de feu. L’or et le cuivre, d’abord discrets, prêtent leurs reflets au raisin impatient de chanter dans les cuves. Le Fendant, les perles de l’Ermitage et de l’Arvine, les Malvoisies, le rubis de la Dôle sont fins prêts à folâtrer entre les doigts des cueilleurs de joie. Les brumes du matin effleurent les coteaux, les rosées nocturnes mouillent les grains et le soleil encore chaud achève l’œuvre du vigneron. Tout est accompli et les vendanges peuvent débuter.

Alors, les vignobles sont envahis de travailleurs heureux et dans la vapeur de leur sueur, les coteaux sont ivres de bonheur. Octobre laisse quelques grappes oubliées pourrir joyeusement sous les doux rayons du soleil. Et dès la Toussaint, le vent d’automne chasse les dernières lueurs flamboyantes de la nature. Il faudra alors attendre et être patients, avant d’entrechoquer nos coupes d’étain pour célébrer le divin nectar valaisan car le jus fermentera pendant de longs mois, sous les yeux attentifs du vigneron.

Sans le parfum du vin, la vie serait moins exaltante et nous, moins exaltés. Tant de qualificatifs existent pour désigner sa robe, son goût, son tanin : gouleyant, élégant, pétillant, souple, fin, subtil, délicat, puissant, vif, noble, dense, opulent, corsé, bouqueté, riche, sphérique, robuste, nerveux, capiteux, généreux, moelleux, velouté. Il a le parfum du terroir et celui des hommes qui le travaillent. Dans ses larmes de joie qui lèchent le miroir des verres, il contient tout le climat, l’humide et le sec, le chaud et les coups rudes du froid, le trop mouillé, le trop chaud, la pluie, la grêle, la sécheresse, les tant redoutées gelées du printemps mais surtout l’amour du vigneron.

A notre prochaine noce, tu auras le cœur dans ton verre et le vin dans ton cœur. Et ce sera beau, comme toutes les fêtes célébrant la terre et le vin. Nous lèverons notre verre pour faire chanter l’espoir et ainsi, le soleil brillera au-dessus de la terre. Dans ce ciel sans nuages, le vigneron sourira. Et nous danserons encore et encore la valse du temps.  

Vraiment, là où la vigne pousse, l’automne est d’or et l’homme est heureux.

 

"Le vin est le fils du soleil et de la terre." Paul Claudel


Dédé © Novembre 2020