vendredi 23 juin 2023

Vers l'été


Les nuages majestueux avaient décidé une incursion sur terre en se noyant dans les eaux limpides du lac alpin. Lui se délectait de cette visite impromptue mais si douce tout en poursuivant sa lutte acharnée pour se libérer de la glace qui l'avait maintenu sous son joug durant tout l'hiver. Les prés lentement se délestaient d'une neige grisâtre qui laissait peu à peu la place à de timides fleurs se demandant s'il fallait vraiment pousser ou s'il était prématuré de déployer leurs corolles.

A travers ce paysage incroyable qui oscillait encore entre le froid et le chaud, la vie laissait entrevoir des éclaircies et insistait pour nous montrer le chemin du dégel. Il était temps de tourner la page sur cet hiver perturbé et ce printemps presque cahotique et de s'engager sur des routes plus riantes, conduisant sûrement vers l'été.

P.S. C'est avec ces quelques mots et cette photo prise il y a peu dans les Alpes que je vous laisse pour un temps indéterminé. En effet, j'ai besoin de temps et d'énergie pour dessiner mon chemin de dégel. Je viendrai de temps en temps vous rendre visite. Bel été à toutes et tous.                                                                 

                                                                                                                                                            Dédé © Juin 2023

vendredi 9 juin 2023

La petite maison dans la prairie


C'était une vieille maison dans laquelle personne n'habitait depuis bien longtemps. Sans doute qu'elle devait servir de refuge à des souris espiègles et que des fouines l'investissaient l'hiver venu. Ses volets étaient définitivement clos et elle n'osait plus que chuchoter des histoires d'antan, pour ne pas réveiller les grains de poussière qui sommeillaient dans ses moindres recoins. Seul un arbre vigoureux l'entourait avec tendresse, l'empêchant de tomber dans une mélancolie sans retour. 

Combien de fois avais-je passé à quelques mètres d'elle, sur le petit chemin bordé d'un délicieux bisse chantant? Combien de fois m'avait-elle aperçue, ayant le nez en l'air, en train de saisir toutes les beautés subtiles des saisons qui défilaient sans retour, sans jamais pourtant m'arrêter et venir la saluer?

Mais ce jour-là, j'ai franchi le minuscule pont qui enjambait la petite rivièrre qui me séparait d'elle et je me suis avancée dans une luxuriante prairie qui sentait bon la fin du printemps. J'avais l'impression qu'un océan d'herbes folles allait m'avaler et que la maison semblait minuscule, juchée un peu plus haut dans le pâturage odorant. Puis, quand nous avons enfin pu nous contempler à quelques mètres l'une de l'autre et nous reconnaître comme deux vieilles amies, l'arbre s'est doucement penché sur le toit bringuebalant de la masure et a chuchoté aux volets clos que tout était encore possible. En effet, les cloches des vaches gourmandes qui paissaient non loin de là sonnaient l'arrivée de la belle saison tant attendue, les bourdons joyeux vrombissaient de bonheur et les fleurs s'apprêtaient gaiement pour le tout prochain bal de l'été. 

Et moi, émue devant sa si grande simplicité, à l'écoute du vent qui faisait craquer ses vieilles planches, je lui ai alors conté les facéties des écureuils de la forêt, les naissances printanières dans les familles de mésanges et le bourdonnement élégant de l'abeille butineuse. Le merle a repris mon refrain, chantant la vie et la joie et la petite maison dans la prairie a frétillé de tout son bois, avec reconnaissance.

Dédé © Juin 2023