vendredi 23 septembre 2022

Aspérités

 

J'étais persuadée d'être dans les tréfonds du monde, là où la lumière ne se glisse plus, où l'espoir s'étiole, où la vie s'étire pour n'être plus qu'un tout petit souffle insignifiant. Mais le poète de mes songes m'a assurée qu'il n'en était rien. 

Les abysses étaient sommets, la mer devenait air, et les vagues s'amoncelaient en nuages graciles. 

Dans cette étrange composition où le tout n'était rien, où l'infini butait contre mes rêves, j'étais apaisée. Enfin. Je m’immergeais lentement, inexorablement mais tout était bien, doux, jusque dans les aspérités de la paroi rocheuse.


 Dédé © Septembre 2022

vendredi 9 septembre 2022

Festin

 


 

Il débarque de nulle part, agrippé aux parois, franchissant avec agilité tous les obstacles tel un professionnel de l'escalade et le bruit de ses folles gambades est devenu une petite musique quotidienne. Il bondit, sautille, circule en tous sens pour attirer mon attention et si je ne viens pas rapidement pour assouvir sa demande, il sait y faire. Me regardant alors avec insistance de ses yeux doux et implorants à travers la vitre du salon, il joint ses pattes en une prière gourmande, la mine désespérée d'un grand affamé à l'approche d'un rude hiver. Je ne peux lui résister et il profite de ma faiblesse. Il joue de son charme malicieux, de ses petites pattes graciles et de sa frimousse souriante pour quémander - petit gourmand -  quelques noisettes ou amandes. 

Puis, enfin servi, presque sur un plateau et bien calé sur son arrière-train et ses grands pieds, il se délecte face aux sapins et aux montagnes, dans la plus belle salle de restaurant étoilé du monde. Très concentré, il n'en perd pas une miette, ni de ce festin, ni du fabuleux paysage qui s'étale sous ses yeux.

Je l'ai appelé Glouton et quand il me regarde, toi, tu es tout simplement jaloux. 

 

 Dédé © Septembre 2022