dimanche 23 décembre 2018

La chaleur de Noël (Conte de Noël)



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L’autre jour, en traversant la forêt enneigée, j’ai vu filer devant moi un renard, rapide comme l’éclair. Avant de disparaître derrière un monticule de neige, il se retourna vers moi, me faisant un clin d’œil. Quelle ne fut pas mon étonnement quand je remarquai qu’autour de son cou, il portait une écharpe rousse brillant de mille feux. Il s’enfuit ensuite dans une gerbe de neige et je me retrouvai à nouveau seule. Avançant péniblement sur le chemin dans lequel je m’enfonçais, j’écoutais les oiseaux s’en donner à cœur joie, distillant au sommet des branches des mélodies gracieuses qui me rappelaient confusément certains chants de mon enfance. 

Sur une branche de sapin lourdement chargée de neige et traînant presque à terre, une mésange, dont le charmant pépiement surpassait les autres notes, battit des ailes à mon passage. Je vis que son tout petit cou était orné d’une minuscule étoffe jaune et noire. Etonnée, je continuai cependant mon avancée, sentant confusément que flottait partout un parfum de mystère.

Alors que je peinais de plus en plus sur le chemin, je remarquai qu’une piste s’enfonçait dans le sous-bois sur ma droite. Impossible pour moi de rester sur ma route, une force invisible me poussait à emprunter ce nouveau sentier. Je tentai de me retourner mais sans succès et il fallut donc me résoudre à accepter cette invitation. C’est alors que je distinguai devant moi une biche gracieuse qui gambadait avec agilité. Un bonnet surmonté d’un gros pompon de la couleur de son pelage ornait sa tête délicate et ses yeux noirs, lorsqu’elle se retourna pour voir si je la suivais, me lancèrent un regard espiègle. 

Je ne compris pas comment je me retrouvai une seconde plus tard au milieu d’un cortège d’animaux : des chevreuils devisaient entre eux, un gros blaireau se dandinait en compagnie d’un hérisson, un chamois racontait ses escapades montagnardes à un bouquetin qui l’écoutait l’air un peu jaloux pendant qu’une ribambelle d’écureuils distribuaient des noisettes à tout le défilé. Des merles et des mésanges voletaient entre les branches pendant qu’un casse-noix jacassait en compagnie d’une marmotte bien boulotte et un majestueux cerf élaphe paradait au milieu d’un parterre de louveteaux fougueux. Un faon s’approcha de moi, glissant sa charmante tête sous ma main pour une caresse. Mais ce qui me sembla le plus fabuleux, c’était que chaque animal portait un vêtement en laine assorti à la couleur de son plumage ou de son pelage. Ainsi, l’ours qui marchait à ma gauche paradait avec une superbe pelisse en laine épaisse et brune et à ma droite un mouflon trottait, son puissant cou emmitouflé dans une étole somptueuse. En me retournant pour voir qui devisait derrière moi d’une petite voix si aigüe, je ne pus que m’extasier sur le manteau d’une blancheur étincelante de Dame hermine.

Notre procession a duré longtemps. Soudain, un chalet en bois surgit dans la clairière où se reposaient de nombreux moutons. De la fumée sortait de la cheminée alors que des ombres furtives s’affairaient à l’intérieur. La porte s’ouvrit et un très vieil homme barbu salua de la main tous les animaux réunis. Un énorme tonnerre d’applaudissement retentit et se répercuta très loin à la ronde.

Des lutins surgirent alors derrière le gros bonhomme et m’apportèrent une écharpe blanche et scintillante. Il me fit signe de l’enrouler autour de mon cou, ce que je fis et à l’instant même, je fus envahie d’une douce et intense chaleur. Le bonhomme affable me fit entrer ensuite à l’intérieur et je compris enfin. Dans une ambiance féérique qui sentait le pain d’épice, une multitude de lutins tricotaient des habits pour tous les habitants de la forêt mais également pour les gens de passage venus de très loin. Les moutons donnaient la précieuse laine qui était ensuite travaillée, colorée et tricotée par des mains expertes. Dès la fin de l’automne, chaque animal prenait le chemin du chalet en bois et recevait son cadeau, l’hiver étant ainsi bien plus chaud et douillet pour chacun d’entre eux. Et la demeure était devenue un havre de paix et de chaleur où ils se retrouvaient régulièrement pour se reposer dans une douce ambiance.

Ce jour-là, solstice de l’hiver, la cohorte des animaux était venue spécialement remercier leur bienfaiteur et tous ses ouvriers. Une fanfare de farfadets se mit alors en place et les animaux reprirent en chœur des mélodies de Noël, pendant que des enfants bien emmitouflés et venant de tous les pays du monde distribuaient biscuits et autres friandises.

S’approchant de moi, le vieil homme murmura une requête à mon oreille. Puis, quand il me serra la main, je sentis une force prodigieuse qui me renvoya directement au milieu de mon salon, comme hébétée, à l’ombre de mon sapin de Noël.

Pendant tout cet hiver-là, j’ai porté la belle écharpe et aujourd’hui, en souvenir du vieux bonhomme, je vous livre son message : 

« N’oubliez jamais de donner la chaleur de votre cœur à toutes celles et ceux qui croisent votre chemin et qui ont froid tout au fond d’eux ».

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Belles fêtes à chacune et chacun d'entre vous. Ce blog sera en pause pendant quelques temps. Alors à l'année prochaine!





Dédé © Décembre 2018

vendredi 14 décembre 2018

Le petit bonhomme bleu




Perdue dans la forêt, je ne voyais qu’une multitude d’arbres m’enserrant peu à peu.  Aucun bruit, pas de chants d’oiseaux, juste un grand silence qui finirait sans doute par me happer entièrement si je ne retrouvais pas rapidement mon chemin. Tournant encore et encore sur moi-même, j’ai alors vu passer furtivement entre les arbres un petit bonhomme bleu, coiffé d’un bonnet. Il avançait vite mais prudemment sur le chemin rendu glissant par les pluies des jours précédents.

Poussé par un sentiment inexplicable, j’ai décidé de le suivre, pensant qu’il me conduirait peut-être à destination car il semblait porter dans sa main droite une carte traçant tous les sentiers de la région.

Notre course dans la forêt s’est éternisée. Perdant la notion du temps, je me suis rendue compte peu à peu que nous marchions sur un tapis d’or qui scintillait sous nos pas. En effet, les feuilles jonchant le sol s’effritaient sous nos pieds, produisant une poussière dorée irradiant tout le bois. Quant aux troncs, ils cachaient des animaux qui nous épiaient, curieux de savoir quelle était notre quête. Chevreuils élégants, écureuils fougueux, mésanges graciles, tous se demandaient où le chemin mystérieux nous mènerait.

Le petit bonhomme bleu marchait de plus en plus vite et je m’essoufflais à ne pas perdre son ombre.  Garder en vue son bonnet était devenu mon objectif principal. Confusément, je sentais que si je le perdais, je m’abîmerais dans les volutes de la brume automnale, suspendue là-haut, au faîte de la forêt. Soudain, comme s’il entendait les battements convulsifs de mon cœur, il s’est mis à chanter, d’une profonde voix de ténor. Son chant s’est alors enroulé autour des branches des arbres et a réchauffé le cœur de tous les habitants de la forêt. Et à chaque refrain, les oiseaux mêlèrent leur voix cristalline à celle de l’étrange personnage.

Quand la mélodie s’est évaporée au-dessus des nuages, le sous-bois s’est éclairé comme par magie et le soleil a brillé de mille feux, m’éblouissant pendant un court instant. Devant moi, un lac me rappelant des paysages nordiques oubliés se dévoila peu à peu, scintillant de toutes ses vaguelettes. Son bleu était intense comme si le ciel s’était noyé dans ses profondeurs et n’avait pu en réchapper.

Le petit bonhomme se retourna enfin en me montrant du doigt un bateau fait d’un étincelant bois blanc, accroché à un minuscule ponton. Dans ses yeux gris vert, j’ai vu la promesse d’une éternité sans limite et nous sommes montés à bord.

Aujourd’hui encore, je navigue dans ce merveilleux esquif, au gré du vent, au fil des saisons. Même si les roulis de la vie sont parfois intenses, le petit bonhomme bleu me mène toujours dans des territoires inconnus où le temps s’est arrêté. Et il me conte de sa voix douce toutes les merveilles de notre monde.

P.S. : Ce texte a été écrit juste avant les tristes événements de Strasbourg. Mais je crois encore que notre monde peut être fait de merveilleux, avec de petits bonshommes et de petites bonnes femmes distillant autour d’eux le bonheur.



Dédé © Décembre 2018