vendredi 22 juin 2018

Renouveau



Pendant l’hiver, la montagne n’est pas faite pour les hommes. Elle s’ébroue seule, sous une épaisse couche de neige et sa respiration devient lente, presque imperceptible. Au long des jours, les flocons emplissent l’espace et tout disparaît dans des vapeurs glaciales, comme si plus rien n’avait existé là-haut. Quelques animaux courageux luttent contre les éléments alors que d’autres se terrent à l’abri pendant des mois. Et dans ce silence presque écrasant hurle un vent impétueux balayant tout sur son passage.
 
Alors quand la belle saison revient, que la rivière gambade entre les pierres, joyeuse de dévaler les pentes, que les fleurs jaunes jaillissent dans une grasse prairie et que les nuages caressent les sommets s’ébrouant au soleil, il n’y a qu’à tendre les doigts pour saisir ce souffle extatique sillonnant les alpages.
 
Et dans la contemplation de ce renouveau, amoureux comme au premier jour, nous reprendrons la route vers notre été plein de promesses.




Dédé © Juin 2018

vendredi 8 juin 2018

L'orage



L’air était empreint d’une tension palpable qui laissait les hommes nerveux, dans l’attente impatiente de quelque chose qui tardait pourtant à venir. S’accumulant dans le ciel, les nuages sombres filtraient encore un peu de la lumière de l’astre solaire mais on sentait qu’un vent impétueux allait balayer d’un revers de main les bois encore tranquilles. 
 
Je regardais les fleurs des champs qui dodelinaient de la tête, peu conscientes encore de la tempête qui se préparait. Elles me rappelaient ces années d’insouciance heureuse, lorsque je n’avais qu’à caresser le tronc des arbres de la forêt magique sans imaginer qu’un jour ils pourraient se craqueler, trop vieux pour supporter encore le poids des ans.
 
En peu de temps, le ciel a pris une teinte noirâtre, rendant la scène opaque et angoissante. Un souffle fulgurant a surgi de nulle part, emportant sur son passage les quelques oiseaux téméraires. Rugissant des entrailles de la terre, un grondement a rempli l’atmosphère et des rideaux de pluie ont jailli de ce plafond lugubre, noyant les sommets dans un tourbillon erratique.
 
Il n’y avait plus rien à dire, comme quand les hommes fâchés ne peuvent plus prononcer un seul mot, dans ces disputes violentes conduisant à un pesant silence. Le seul moyen d’en réchapper était d’attendre et de contempler, avec l’espoir que le calme reviendrait rapidement.
 
Et mes pensées ruisselantes, de celles qui m’envahissent parfois, m’ont fait tanguer dans les bourrasques.
 
A ce moment-là, j’aurais voulu avoir à nouveau huit ans, retrouver mon âme d’enfant et le grand sapin, celui qui avait accueilli tant de mes chagrins lorsque j’allais le retrouver en cachette. 
 
Il a plu longtemps ce soir-là.


Dédé © Juin 2018