vendredi 22 novembre 2019

Silence

Monviso, Italia

Là-haut, tout n’était que silence. Dans cet hiver à peine installé, il n’y avait que nous et le bruit de nos pas sur la glace et la neige fraîchement tombée. Lui, il nous regardait, presque goguenard. Il savait que nous venions pour lui et que toute cette ascension pénible dans un froid mordant, à fuir le brouillard qui montait, n’avait pour seul but que de mieux s’approcher de sa silhouette altière. Cela faisait longtemps que je l’avais repéré, si grand au-dessus de la plaine du Pô, veillant sur Turin et les autres petites bourgades, au-dessus des vignes et des collines, tel un grand seigneur. Mais là, fragile devant sa face nord, je ne savais que me taire, le contemplant avec une émotion contenue et pourtant si réelle.

Sans doute que quelques bouquetins, eux dont le pied est si sûr, se sont moqués de nous. Alors qu’ils jouent les équilibristes avec grâce et agilité à longueur de saisons, ils devaient nous trouver bien maladroits, cherchant avec peine les traces d’un chemin qui s’était déjà enveloppé dans son manteau d’hiver et n’avait plus envie d’être dérangé par les derniers randonneurs intrépides de la saison.

J’avoue que la peur m’a traversée, là-haut, alors que le vent soufflait sur le lac déjà gelé, dans cette immensité glacée.  Mon cœur battait la chamade, à cause de la fatigue et de l’altitude mais aussi à cause de cette angoisse qui peut vous enserrer quand, vous tournant de tous côtés, vous ne trouvez plus les précieuses marques qui d’ordinaire vous indiquent le bon chemin.

Alors, face à cette barrière de rochers, il m’est venu presque une incantation qui demandait que la montagne ne se fâche pas et nous laisse traverser le haut-plateau sans encombre.

Dans cet hiver précoce, au-dessus des hommes et des turpitudes terrestres, j’ai eu l’impression d’être devenue, le temps d’une pénible ascension, une intime invitée, en communion totale avec le « Re di Pietra». (Roi de Pierre).

Car altesse sérénissime, ce jour-là, tu as enlevé ton écharpe de nuages coiffant souvent ton visage impassible, dévoilant à nos yeux émerveillés et mon cœur ému toute ta masse rocheuse, dans une farandole de lumières précieuses.


"De ma cime, tu verras toutes les Alpes. De toutes les Alpes, tu verras ma cime". (Monviso)

Dédé © Novembre 2019

vendredi 8 novembre 2019

Envol



Les montagnes blanches m’ont saluée, délicatement posées sur une écharpe vaporeuse à peine visible au-dessus de la vallée. Barrière infranchissable, elles semblaient presque irréelles, élégantes dentelles dans le ciel immaculé.

Légère dans cet octobre finissant, suspendue au souffle du vent, j’ai cru, devant tant de beauté, que j’étais moi aussi devenue un oiseau.



« Les hommes sont des oiseaux de passage ». William Shakespeare

Dédé © Novembre 2019