vendredi 25 novembre 2016

Instant magique (2)

Forêt Noire, Allemagne



J’ai poursuivi mon périple dans cette noble contrée magique, le sourire aux lèvres et le cœur en fête. Caressant du regard des arbres centenaires, parcourant des sous-bois odorants, mes pas m’ont menée par monts et par vaux dans un doux paysage ceint de surprises multiples se dorant dans les rayons du soleil automnal : lac aux reflets majestueux, végétaux colorés et troncs altiers ont été mes compagnons dans la fuite de mon monde trop bruyant et oppressant. 

Sans cesse pourtant, alors que j’étais seule sur le sentier, j’ai perçu de nombreux bruits, certainement le fait de farfadets malicieux, partis à mes trousses et décidés sans doute à importuner celle qui s’était permise de violer leur espace interdit.

Apercevant au loin un petit village oublié dans un creux herbeux, j’ai pris à contrecœur la décision de retourner dans le monde des hommes car malheureusement, l’émerveillement ne dure qu’un instant et le soleil allait bientôt rentrer sagement au bercail pour se blottir derrière la lune. 

Mais c’était sans compter sur la présence chaleureuse d’un poney à la robe chatoyante qui s’approcha lentement de la clôture le séparant de mon chemin. Arrivé à ma hauteur, il a levé sa tête et m’a lancé un regard si doux que j’en suis restée immobile pendant plusieurs minutes, n’osant respirer, de peur que la petite créature ne s’effraie et ne retourne à son pré.

A résonné alors dans ma tête une voix grave, m’enjoignant de poursuivre ma route sans m’arrêter et de cheminer à la suite d’un animal que je rencontrerai bientôt. Dans ce discours venu d’un autre âge, j’ai également entendu que la forêt allait me délivrer un message intemporel qui scellerait à jamais mon alliance avec les forces naturelles.

L’esprit en ébullition et l’émotion au bord des yeux, j’ai regardé l’élégant cheval nain à la crinière flamboyante repartir nonchalamment sur ses pas, non sans m’avoir fait un petit clin d’œil malicieux.

Dynamisée par une énergie nouvelle, n’osant croire à cette invitation qui m’était lancée, j’ai alors repris ma route, poussée par une force inconnue et bien décidée à aller jusqu’au bout de cette mystérieuse aventure sylvestre.





A suivre...



Dédé © Novembre 2016

vendredi 18 novembre 2016

Instant magique (1)


Forêt Noire, Allemagne




Le silence régnait dans la forêt profonde, à peine perturbé par le bruissement du vent dans les arbres. 

Les esprits de la forêt, m’observant depuis longtemps déjà, ont décidé de caresser les troncs à mon entrée dans leur cachette oubliée et, dans un murmure joyeux, une pluie d’or s’est déposée sur une terre avide de tendresse. 

Retenant mon souffle pour m’imprégner de cet instant magique, j’ai levé les yeux au ciel, admirant cette lente danse des feuilles et j’ai saisi au vol la valse des derniers vestiges de l’été, s’étiolant doucement sur la terre d’automne.

Une lumière vive m’a alors aveuglée et prise de vertige, je n’ai pu que constater un frôlement presque imperceptible contre moi et quelques rires étouffés ont jailli dans les bosquets. Clignant des yeux, j’ai entraperçu des ombres furtives disparaissant en chahutant dans le lointain. 

Espiègles, les esprits de la forêt sont retournés dans leur repère enchanté, me laissant seule face à moi-même. 

Reprenant lentement conscience, je me suis alors demandée si tout cela était réel ou si je venais simplement de rêver tout éveillée. Mais baissant les yeux au sol, j’ai constaté qu’un tapis doré se déroulait devant moi alors qu’auparavant, le chemin était seulement recouvert de petits cailloux. 

N’osant fouler ce revêtement majestueux, j’ai avancé lentement et doucement pour que ce moment envoûtant dure toujours. Reprenant mon voyage, j’ai même cru percevoir quelques arbres majestueux s’incliner sur mon passage. 

Une petite musique cristalline m’a accompagnée longtemps, sans doute jouée par une fée sylvestre oubliée depuis l’éternité. 

Esquissant un sourire, j’ai compris que le réel n’est pas si éloigné de l’imaginaire et qu’il suffit parfois de laisser émerger ses rêves pour qu’ils se réalisent.








A suivre...

Dédé © Novembre 2016

vendredi 11 novembre 2016

Visions du monde

Œuvre de Giacometti, avec pour décor des toiles de Mark Rothko, Barnett Newman et Clyfford Still, Kunstmuseum de Bâle, Suisse

Cette photo a été prise à travers le verre de protection enserrant les personnages sculptés de Giacometti. J'ai trouvé que les reflets à travers le verre et jouant sur les oeuvres picturales en arrière-fond étaient une bonne illustration pour mon texte: une allégorie de l'humanité souvent perdue dans un monde incompris.  




Pendant des années, le chemin se déroule sans virage brusque et presque rectiligne. Nos choix paraissent les meilleurs et aucune crainte ne nous assaille. Et puis soudain, un sentiment de vide bouleverse un jour ce bel équilibre qui nous paraissait pourtant si évident à peine quelques heures plus tôt. Cette sensation de ne plus nous connaître ouvre un gouffre de questions existentielles.

Et si j’étais en train de passer à côté de ma vie ? Quel sens a-t-elle jusque-là et qu’est-ce que je vais laisser comme héritage et comme souvenir ? Mon existence n’est-elle pas trop banale au regard de ce que j’espérais bien des années auparavant, fringuant et joyeux de construire mes projets ?

L’angoisse monte alors, incommensurable.

Et nous devenons, à nous-mêmes, un ami inconnu, dont le nom même nous échappe et dont l’existence nous paraît lointaine, indéchiffrable. On se croise alors devant un miroir et on se sourit timidement et furtivement, de peur de scruter celui qui est en face et de ne pas comprendre ce qu’il fait là à nous observer.

L’impression de passer à côté de l’essentiel et de ne pas vivre exactement ce que l’on attendait conduit certains à se lancer dans la quête de la perfection, du toujours mieux et du toujours plus, en oubliant alors ce qu’ils ont ici et maintenant.

Mais vivre l’instant présent pleinement et sans toujours rechercher ce qui est bien souvent inaccessible est primordial. Si nous ne sommes jamais satisfaits de l’instantané, nous risquons d’oublier ce que nous sommes en train de vivre en imaginant que ce qui viendra après ne peut être que meilleur.

Le réel est irrationnel parfois, hasardeux et toujours complexe, parfois triste et d’autres fois allègre. La meilleure posture pourrait être d’accepter avec joie cette irrationalité : être au milieu de sa vie, centré sur le présent et ne pas poursuivre des images vaines qui nous emporteront au-delà des vraies joies du quotidien, si simples soient-elles.

On a le choix de sa vision du monde et de vivre en s’émerveillant encore et toujours de ce qui est à notre portée et qui nous comble. Et de veiller, comme Marc-Aurèle le stoïcien le suggérait, à ne pas passer sa vie à se lamenter sur le passé enfui et sur un avenir toujours incertain. C’est une posture difficile mais pas impossible : vivre dignement dans le présent en se rendant utile au bien commun.





Dédé © Novembre 2016