La neige a dansé un ballet gracieux et le vent a soufflé en fortes rafales, mettant presque à nu certains mélèzes dorés. Le matin suivant, les nuages gris sont repartis vers d’autres rivages et dans des couleurs éclatantes, le soleil a surgi au-dessus de la forêt purifiée.
Afin de m’extraire de mes pensées un peu sombres, je suis partie à la découverte de la blancheur encore vierge. Ces derniers temps, mon cœur peine parfois à respirer librement à cause d’un poids bien lourd, celui de ce passé encore si présent et qui m’empêche de percevoir l’avenir avec sérénité. Une escapade pour m’extasier devant les nouveaux cristaux de la saison représente donc le baume qui efface bien des fardeaux.
Personne en vue, juste le bois profond et moi, dans un franc face à face. Je décide alors d’ouvrir un chemin dans la neige en étant attentive aux mille bruits que la forêt chuchote et au crissement des raquettes. Le regard curieux du chevreuil se cachant timidement derrière un tronc de sapin m’observe et à mon approche, le renard rusé se cache dans les bosquets, non sans un salut majestueux de sa belle queue touffue.
Je m’inscris dans ce présent en harmonisant la cadence de mes pas avec le souffle profond de la nature qui resplendit sous le soleil un peu pâle de novembre. La décision de l’endroit où vont me conduire mes pas m’appartient et je construis patiemment ma progression tout en pensant le mouvement et la coordination de mes membres.
Dans l’instant, en communion avec les arbres, les plantes sèches qui surgissent encore de la douceur ouatée et les vols furtifs des petits oiseaux, je repousse, d’abord avec effort puis avec une étonnante légèreté, le flot incessant de mes pensées. Celles-ci sont parfois comme des nuages noirs roulant par vagues et menaçant de m’envahir dans une tempête rugissante. Mais là, elles deviennent volutes graciles et s’enfuient au firmament.
En pleine conscience, accueillant le moment présent avec bonheur, je m’éveille enfin de la torpeur des jours passés goûtant avec enchantement la lenteur de ma marche. Et un parfum bienfaiteur m’enveloppe peu à peu, celui qui permet d’accepter ce qui est et qui ne peut être changé dans l’immédiat.
Contemplant le ciel et les vapeurs aériennes des nuées, je me confonds dans cette nature généreuse, à peine glacée par l’hiver naissant. Le gazouillis d’une petite mésange emplit les sous-bois de sa douce musique, s’élève au-dessus du faîte des arbres et, profitant d’une douce brise, elle franchira gaiement les frontières pour caresser de ses notes mélodieuses le cœur d’un enfant meurtri dans un lointain pays en guerre.
Traverser ainsi la forêt, effleurer les écorces rugueuses des arbres presque endormis et repérer les traces d’un lièvre pressé m’ancre dans le merveilleux de ce paysage.
Traverser ainsi la forêt, effleurer les écorces rugueuses des arbres presque endormis et repérer les traces d’un lièvre pressé m’ancre dans le merveilleux de ce paysage.
Au terme de cette rencontre scintillante avec la magie de la forêt me vient cette pensée furtive que j’essaie de retenir entre mes doigts serrés : il n’y a pas besoin de voyager très loin pour savoir naviguer au fond de soi-même et trouver la paix intérieure.
« Le miracle, c’est de marcher sur la terre », Tich Nhat Hanh, maître bouddhiste vietnamien
Dédé © Novembre 2017