Rien ne reste à jamais figé à l’image des saisons changeantes. La vie s’écoule au rythme du temps et de ce fait, elle nous soumet à l’impermanence des choses, à l’éphémère.
Savoure ainsi chaque instant tel un dernier hommage. Enivre-toi et fleuris en ton existence, avec les mots et les images.
Sous un ciel sombre ivre de bourrasques, la forêt dentelée entourait le chalet solitaire. Pendant ces quelques mois en suspension, personne ne troublerait cette immense quiétude hivernale. Mais au printemps, lors du dégel, l'homme reviendrait et la vie reprendrait avec force, dans le chant des oiseaux impatients.
Pour l'instant, le chalet rêvait. Un chevreuil finirait bien par passer et le saluer de ses grands yeux curieux.
P.S. une brève incursion dans le monde des blogs et je m'éclipse à nouveau pour un temps indéterminé. Prenez soin de vous.
(Cliquez sur le lien pour avoir l'animation musicale)
Toujours accompagné de sa palette
aux mille nuances et de son pinceau magique, il gambadait tout au long de
l’année par monts et par vaux, sifflotant à tue-tête des mélopées étranges ou
alors se taisant pendant de longs instants quand il fallait s’appliquer sur un
tableau nécessitant une grande concentration. Sa palette était composée de
couleurs toutes plus poétiques les unes que les autres. Ainsi, les verts
servaient à habiller les sapins de nos forêts mais avec un mélange d’eau et
d’un peu de magie d’un autre monde, ce vert puissant se transformait alors en
une teinte bien plus tendre qui colorait les pelouses d’Irlande ou donnait une tonalité
des plus appétissantes aux fruits des pommiers. Immaculés, les blancs
habillaient l’ours polaire du grand Nord en le rendant très élégant et
agrémentés de quelques paillettes, ils tapissaient la montagne d’une neige
délicate l’hiver venu. Les vermillons transformaient les couchers de soleil en
des scènes presque irréelles alors que les jaunes rendaient gloire aux fiers
tournesols dans les vastes plaines. Il avait transcendé également les costumes des
libellules, des martins-pêcheurs, des amanites tue-mouche et du rouge-gorge
narcissique qui, tous les matins penché sur le ruisseau, s’admirait et remerciait
son costumier en gonflant son plastron coloré.
Quand les couleurs s’épuisaient, il
se hâtait chez ses amies les fées qui lui concoctaient, dans de gigantesques
chaudrons, des mélanges toujours plus subtils pour enrichir ses créations
artistiques.
Jamais à court d’idées, il
transcendait ainsi les saisons et les paysages. L’hiver froid et rigoureux, il le
rendait presque supportable et beau avec des nuances subtiles de gris et de
blancs et même les bois nus semblaient vêtus d’un délicat manteau de dentelle.
L’hermine et le lièvre se réjouissaient, les frimas revenus, de gambader dans
les prés, prenant plaisir à réveiller certains animaux en hibernation pour leur
dévoiler leurs étincelants apparats hivernaux. Au printemps, les bourgeons,
d’abord timides, se transformaient en délicates fleurs embaumant l’atmosphère
et les arbres revêtus de leurs plus beaux atours se congratulaient entre eux,
commentant avec enthousiasme son excellent travail. En été, les ciels menaçants
se gaussaient de tous, après qu’il leur eut dessiné des nuages imposants,
tirant à la fois sur le bleu et sur le gris, gonflés d’une pluie d’orage qui ne
demandait qu’à se déverser sur les prairies assoiffées. Mais lui, c’était
l’automne qu’il chérissait par-dessus tout car les teintes chaudes étaient ses
préférées. Dans les forêts du monde entier, il laissait alors libre cours à sa
fantaisie créatrice. D’ailleurs, les érables l’attendaient toujours avec
impatience pendant que le vieux chêne centenaire se délectait de voir son
feuillage virer au rouge dès les premières gelées et de pouvoir parader devant
son ami l’écureuil venu faire ses provisions de glands au pied de sa souche.
Il aimait la Toscane et ses
collines ondoyantes et les glaciers alpins qui n’avaient plus de secret pour
lui même si, à plusieurs reprises, il avait failli perdre sa palette dans leurs
innombrables crevasses. Il avait traversé à maintes reprises les déserts
africains, épuisant les rouges et les bruns de sa palette, s’était brûlé le
bout des sandales dans les éruptions des grands volcans de la planète alors
qu’il esquissait les contours d’une coulée de lave, connaissait chaque pierre
des châteaux écossais ainsi que leurs nombreux fantômes, avait vaincu à
plusieurs reprises le Kangchenjunga sans oxygène pour atteindre les
nuages afin de les transformer en nuances délicates. Il avait dessiné les eaux turquoises
des lagons indonésiens et avait colorié le ciel face aux moaï muets de l’île de
Pâques. Cela faisait des siècles qu’il parcourait ainsi la terre prenant
conseil chez les plus grands peintres. Ainsi, il avait devisé avec le Caravage
sur la technique du clair-obscur et s’était un peu moqué du noir profond de
Soulages. Picasso lui avait fait craindre le pire avec ces modèles cubiques
mais en contrepartie il s’était perdu avec délice dans les délires tourmentés
de Turner.
Mais même après tous ces siècles à
parader dans les prairies, à traverser les tunnels, à gravir les montagnes et à
naviguer sur les océans du monde entier, toujours accompagné de sa merveilleuse
palette, il savait que le lieu où il reviendrait toujours était ce petit pays
au milieu de l’Europe, si petit mais où se lovent de si grands et fiers sommets.
Car devant la fenêtre d’une maison perdue là-haut, un petit bout de femme
l’attendait toujours impatiemment. Elle était si exigeante qu’il sentait que
donner le meilleur de lui-même ne suffisait plus. Il fallait qu’il magnifie les
ciels, qu’il sculpte les montagnes et endimanche les animaux de la forêt d’exquises
parures. Alors, au printemps, il effaçait la neige à grands coups de pinceau
vert tendre et en été, il coloriait les fleurs des alpages. En automne, il
faisait danser les mélèzes mordorés et en hiver, il ciselait les délicats
flocons de neige. Il faisait également apparaître dans les alentours de la
maison des écureuils bruns facétieux, des mésanges bleues ou huppées, des accenteurs
bigarrés et de malicieux renards roux. Il offrait des carmins, des ors, des
malachites, des cobalts et les mélangeait pour trouver la meilleure combinaison,
s’appliquant à rendre le spectacle chaque jour toujours plus beau.
Comme Noël approchait, il pressentait
qu’il devrait encore se surpasser pour que la fête soit lumineuse. La veille de
Noël, il s’installa donc au sommet de la montagne, cherchant l’inspiration, apprêtant
ses couleurs et réfléchissant intensément. Et puis, à petits et grands coups de
pinceau, il commença son œuvre du jour. Pendant de longues minutes, il s’appliqua à
envelopper les pierres de couleurs dont personne ne savait le nom. Puis, quand
il eut achevé ses traînées élégantes dans le ciel, il prit quelques minutes
pour contempler son œuvre qu’il n’osa plus retoucher tellement il était
fasciné. Enfin, il ajusta avec application le rouge chatoyant du manteau du
Père Noël qui filait déjà sur son traineau pour sa tournée mondiale des
cadeaux. Il saupoudra tous les biscuits de Noël d’une fine pellicule de sucre
glace et s’appliqua à rendre l’Étoile aussi scintillante que possible. Et
pendant qu’il achevait tout ceci dans une frénésie proche de l’extase, il
entendit des clameurs de joie sur la terre. Son tableau du jour était effectivement
plus que grandiose et là, ravi, il reposa enfin son pinceau. Les fées valsèrent de joie, le cerf plissa les yeux se demandant s’il rêvait,
l’aigle jubila dans ce soleil couchant presque irréel et le ballet des mésanges
acclama le grand artiste, le peintre de l’univers. Même les marmottes se
réveillèrent furtivement pour admirer le spectacle fulgurant. Car en quelques
minutes, le soleil s’était déjà enfui, laissant la montagne aux prises avec la
nuit tombante alors que résonnait une marche de Tchaïkovskiinterprétée par l'orchestre des lutins de la forêt.
Vous me direz que ceci est bien
joli et tout droit sorti de mon imagination. Car si un bonhomme chargé d’une
palette de couleurs et d’un pinceau magique avait traversé les siècles, côtoyé
les grands et les petits de ce monde, sublimé les paysages et habillé chaque
animal d’un manteau diapré selon les saisons, on en aurait parlé dans tous les
livres d’histoire. Mais je vous assure, tout ceci est bien réel car j’étais là
face aux montagnes et pendant quelques instants éphémères, le rêve est devenu
réalité. Et je suis persuadée que chez vous, devant votre fenêtre, au détour de
la rue, dans le rire des enfants, dans les petites et les grandes choses de vos
vies, les couleurs resplendissent pour peu que vous soyez ouverts aux
merveilles du monde.
Il suffit pour cela de garder son
âme d’enfant.
Je vous souhaite à toutes et tous de belles fêtes de fin d'année. Bluette et Quentin vous offrent également quelques petites douceurs à déguster selon votre envie.
Ce blog sera en pause pour une durée indéterminée.
Ce jour-là, l'alpage, abandonné par les vaches parties rejoindre les étables plus bas dans la vallée, nous accueillait, un peu rêveur, endormi avant l'heure, se reposant d'un été parfois trop bruissant de senteurs multiples. Quelques mésanges voletaient encore ici et là, se posant délicatement sur les branches des sapins philosophes, les réconfortant de leurs caresses furtives, alors qu'eux savaient bien que l'hiver arriverait, tôt ou tard.
Les herbes jaunies contaient des saveurs disparues que l'on retrouverait peut-être dans une fondue odorante, les grands froids revenus.
Ce ciel presque trop bleu, ces bouquets de sapins toujours verts et fiers malgré l'automne finissant, ces prairies passées qui craquelaient sous mes pas, ont pourtant suffi à mon bonheur, comme un tout petit rien qu'il fallait déguster lentement, de peur qu'il ne disparaisse trop vite pour ne plus jamais revenir.
Comme il était doux de cheminer sur ces sentiers lumineux, de tenir ta main et de contempler l'horizon lointain qu'on n'atteindrait jamais. Presque bouleversés par tant de simplicité, il nous fallut pourtant rentrer et laisser l'alpage, grand penseur de la sérénité, aux prises avec son destin blanc déjà annoncé.
Dans cet instant si tourmenté, si turbulent qu'on n'arrive presque plus à penser calmement, entre les gouttes de pluie, les nuages grimaçants et les montagnes hallucinées, espérer envers et contre tout que dans cette furieuse opacité, une éclaircie trouant l'atmosphère erratique soit encore possible.
Puis se rendre compte avec des yeux émerveillés que l'artiste, au sommet de son art, a esquissé, pour adoucir son tableau chaotique, un cœur solaire éphémère ourlé de dentelles nuageuses, au milieu de toute cette géhenne céleste.
Et alors, dans ce signe prometteur qu'on n'attendait presque plus et dans l'ondée fantastique qui nettoie tous les outrages laissés par la tempête, croire que le rêve est permis, encore et toujours.
Alors que la canicule régnait en maîtresse, au Nord, ce n'était que bruits de cascades et scintillement de l'eau dans les fjords. Dans une nature majestueuse où la mer et les montagnes s'épousaient dans des noces sans fin, on ne pouvait que ressentir humilité devant ces forces infinies.
Les fjords, sublimes, changeaient d'atmosphère au fil des heures. Ainsi, faisant place sans crier gare à une pluie fine, le soleil inondait tout en quelques minutes, séchant les prairies escarpées dans lesquelles paissaient des moutons intrépides alors que le gigantesque bateau se frayait un chemin entre les étroites parois rocheuses. En une heure, en une minute, toutes les saisons se succédaient, glaçant puis réchauffant le voyageur étonné par la puissance des éléments.
Des routes sinueuses conduisaient à de minuscules villages dans lesquels les maisons colorées semblaient comme oubliées par les hommes. Dans des jardinets, de gracieuses fleurs défiaient la météo capricieuse et donnaient l'impression que l'été, enfin, pointait le bout de son nez. Plus au centre des terres, des glaciers imposants (pour combien de temps encore!) surplombaient les hauts plateaux presque désertiques et même au mois d'août, il neigeait.
La petite maison, esseulée au milieu des neiges éternelles, contait un climat rude et sans pitié et même si ce jour-là, le ciel était bien sombre sur son toit herbacé, elle avait réussi à me convaincre que le soleil pouvait tout de même vaincre les nuages et caresser les herbes folles de cette gigantesque étendue. Alors, j'écoutais, fascinée, la plainte de la prairie pliant sous le vent déchaîné et j'entendais les chevauchées fantastiques des Vikings qui avaient, des siècles auparavant, traversé ces landes pour accroître leur puissance sur leurs ennemis.
Je n'avais pas de drakkar pour naviguer dans les fjords et encore moins de fier destrier pour galoper dans les terres inhospitalières des hauts plateaux. Je ne savais plus si je devais être montagnarde ou navigatrice devant ces paysages de neige et de glace, là où la mer était amoureuse de la montagne, là où la beauté affleurait dans chaque rocher. Mais ce dont j'étais sûre, c'est que ce vent du Nord soufflait à nouveau dans mes veines et qu'avec toi, j'aurais pu rejoindre des latitudes plus élevées encore, là où l'ours blanc règne en maître et où l'homme n'est plus rien face à la banquise.
P.S. Merci à celles et ceux qui n'arrivent pas à mettre leur pseudo pour leur commentaire de le signer au moins, car les commentaires anonymes ne me permettent pas toujours de deviner qui c'est. Désolée pour ces désagréments de blogger, tout à fait indépendants de ma volonté.
Octobre s'en vient lentement, par ses brumes graciles et ses brouillards épais, par ses mirages dorés, par ses parfums de poires et de pommes, par ses citrouilles ventrues qui craignent de finir en veloutés et par ses feuilles qui rougissent avant de mourir en silence.
Les portes sont closes et les maisons vides du rire des enfants. Il y a les silences et les absences. Partout, les écureuils s'affairent alors que le cerf termine sa quête amoureuse.
Il y aura encore en octobre des
journées de septembre, tout comme il y avait déjà eu en août des balbutiements
de septembre et qu'il y aura en novembre des flottements attardés
d'octobre.
Octobre s'en vient lentement, par son chemin de renoncement qui nous mènera, à coups de grands frissons, à la saison du dépouillement.
"L'automne raconte à la terre les fleurs qu'elle a prêtées à l'été" (Georg Christoph Lichtenberg)