Samarcande 2014 |
Je dédie ce texte à mon cher poète Bizak. Le lire, c'est voyager. Il sait parler aux étoiles du ciel, aux grains de sable du désert et aux perles de pluie.
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Alors que le blanc devient peu à peu la couleur dominante de mon quotidien sis au pied des montagnes et traversé des bourrasques de l’hiver, mon esprit s’essouffle dans le froid et aspire à l’évasion par-delà les frontières, cherchant une destination où les senteurs d’un monde oublié s’envolent à l’infini.
L’âme vagabonde en volutes et soudain, le blanc disparaît pour laisser place à un soleil oblique qui disperse le brouillard et rend lumineuse la route traversant le désert. Celui du Karakoum, dont les dunes sont comme des vagues figées aux contours ambrés et mystérieux, m’appelle et m’enveloppe de ses bras tentaculaires. Et dans mon échappée qui me fait parcourir des distances irréelles surgit soudain la ville mythique, dont le simple nom a fait vibrer tant de voyageurs aux longs cours.
A l’ombre de ses somptueuses coupoles défilaient de longues caravanes en provenance de cet Occident si lointain. Chargées d’or, de pierres et de métaux précieux, de textiles, d’ivoire et de corail, elles croisaient celles de l’Orient transportant fourrures, céramiques, cannelle, épices de toutes sortes et armes en bronze.
Alors que le jour se lève et éclabousse d’une lumière dorée les murs de la cité, la rue s’éveille, diffusant peu à peu des bruit scintillants, spectacle de tous les instants. Aux pieds de la mosquée de Bibi Khanoum, sous les mosaïques bleues qu’on dirait ciselées par des magiciens venus d’un autre monde, une mélopée envoûtante retentit s’enroulant autour des céramiques délicates dans ce monument prestigieux, perles sublimes au milieu d’une cité intemporelle. Et les notes rebondissent sur les pavés, fugitives, avides de vastes étendues, m’entraînant dans une transe langoureuse.
Plus loin, le marché aux épices délivre des parfums suaves qui transportent aux confins de l’Orient. Alors qu’on grille des milliers de chachliks répandant un fumet de graisses brûlées, le marché aux fleurs se pare de couleurs éclatantes, comme des milliers de palettes de peintres oubliées. Tout proche, le bazar des légumes et des fruits regorge de richesses offertes par la terre des oasis de verdure. Le suc des melons, des raisins et des figues se mêlent pour former un délicieux nectar, entêtant, qui une fois goûté parcourt tout le corps, l’irradiant de décharges sublimes, comme si le soleil déversait ses rayons directement dans le cœur.
Dans cette foule et cet océan de couleurs, les hommes s’interpellent dans des idiomes chantants, donnant l’impression que toute l’Asie centrale s’est donnée rendez-vous au milieu des mosquées et de leurs minarets graciles. Parcourant encore des ruelles animées, j’atteins enfin la grandiose place du Registan, encadrée par ses trois écoles coraniques et face à ces glorieux témoins du temps passé, j’oublie tout, minuscule particule d’une grande Histoire qui me dépasse.
Après avoir poussé la porte d’une belle demeure traditionnelle, dans une délicieuse fraîcheur, je déguste un repas digne des Mille et une Nuit, sous une treille chargée de lourdes grappes d’un raisin d’encre. Alors que les étoiles s’allument une à une dans un ciel immense, je respire la douce fragrance d’un monde multiple dont les contours s’estompent lentement sous les doigts délicats de la brume impavide.
L’air est transparent et je perçois son souffle à travers chaque pulsation de mon coeur. J’entends le cri des enfants dans la rue puis l’odeur douce du narghilé s’invite entre les briques des murs encore chauds, dans ce crépuscule peint de délicates teintes rougeâtres. Et dans la nuit qui succède à tant d’autres nuits, je reste immobile, longtemps. Le temps égrène ses heures et se dilue dans une vapeur erratique englobant tout. La lune psalmodiant doucement des litanies sulfureuses, les paroles deviennent inutiles. Shodlik sourit, ses yeux d’un vert profond scrutant les étoiles brillant dans les miens. La vodka chante dans nos verres.
Et comme ailleurs sur cette terre, au sommet du Stromboli crachant son venin de feu, dans les dédales de Syracuse baignée par la mer si bleue, au Cap Nord balayé par le vent et sur l’île de Skye illuminée par des arcs-en-ciel fulgurants, je sens que je tiens au creux de mes mains un peu de ce monde vibrant de clameurs et de vie. Ce monde-là nourrit, emplit, traverse et creuse comme une rivière fait son lit. Et dans cette pulsation de l’eau, de la vie et des hommes, je sens que le vide qui m’assaille parfois ne peut que se combler.
Malgré les bourrasques de flocons au-dehors, je suis retournée, le temps d’un songe, emportée par un grain de sable du Karakoum, à Samarcande.
L’âme vagabonde en volutes et soudain, le blanc disparaît pour laisser place à un soleil oblique qui disperse le brouillard et rend lumineuse la route traversant le désert. Celui du Karakoum, dont les dunes sont comme des vagues figées aux contours ambrés et mystérieux, m’appelle et m’enveloppe de ses bras tentaculaires. Et dans mon échappée qui me fait parcourir des distances irréelles surgit soudain la ville mythique, dont le simple nom a fait vibrer tant de voyageurs aux longs cours.
A l’ombre de ses somptueuses coupoles défilaient de longues caravanes en provenance de cet Occident si lointain. Chargées d’or, de pierres et de métaux précieux, de textiles, d’ivoire et de corail, elles croisaient celles de l’Orient transportant fourrures, céramiques, cannelle, épices de toutes sortes et armes en bronze.
Alors que le jour se lève et éclabousse d’une lumière dorée les murs de la cité, la rue s’éveille, diffusant peu à peu des bruit scintillants, spectacle de tous les instants. Aux pieds de la mosquée de Bibi Khanoum, sous les mosaïques bleues qu’on dirait ciselées par des magiciens venus d’un autre monde, une mélopée envoûtante retentit s’enroulant autour des céramiques délicates dans ce monument prestigieux, perles sublimes au milieu d’une cité intemporelle. Et les notes rebondissent sur les pavés, fugitives, avides de vastes étendues, m’entraînant dans une transe langoureuse.
Plus loin, le marché aux épices délivre des parfums suaves qui transportent aux confins de l’Orient. Alors qu’on grille des milliers de chachliks répandant un fumet de graisses brûlées, le marché aux fleurs se pare de couleurs éclatantes, comme des milliers de palettes de peintres oubliées. Tout proche, le bazar des légumes et des fruits regorge de richesses offertes par la terre des oasis de verdure. Le suc des melons, des raisins et des figues se mêlent pour former un délicieux nectar, entêtant, qui une fois goûté parcourt tout le corps, l’irradiant de décharges sublimes, comme si le soleil déversait ses rayons directement dans le cœur.
Dans cette foule et cet océan de couleurs, les hommes s’interpellent dans des idiomes chantants, donnant l’impression que toute l’Asie centrale s’est donnée rendez-vous au milieu des mosquées et de leurs minarets graciles. Parcourant encore des ruelles animées, j’atteins enfin la grandiose place du Registan, encadrée par ses trois écoles coraniques et face à ces glorieux témoins du temps passé, j’oublie tout, minuscule particule d’une grande Histoire qui me dépasse.
Après avoir poussé la porte d’une belle demeure traditionnelle, dans une délicieuse fraîcheur, je déguste un repas digne des Mille et une Nuit, sous une treille chargée de lourdes grappes d’un raisin d’encre. Alors que les étoiles s’allument une à une dans un ciel immense, je respire la douce fragrance d’un monde multiple dont les contours s’estompent lentement sous les doigts délicats de la brume impavide.
L’air est transparent et je perçois son souffle à travers chaque pulsation de mon coeur. J’entends le cri des enfants dans la rue puis l’odeur douce du narghilé s’invite entre les briques des murs encore chauds, dans ce crépuscule peint de délicates teintes rougeâtres. Et dans la nuit qui succède à tant d’autres nuits, je reste immobile, longtemps. Le temps égrène ses heures et se dilue dans une vapeur erratique englobant tout. La lune psalmodiant doucement des litanies sulfureuses, les paroles deviennent inutiles. Shodlik sourit, ses yeux d’un vert profond scrutant les étoiles brillant dans les miens. La vodka chante dans nos verres.
Et comme ailleurs sur cette terre, au sommet du Stromboli crachant son venin de feu, dans les dédales de Syracuse baignée par la mer si bleue, au Cap Nord balayé par le vent et sur l’île de Skye illuminée par des arcs-en-ciel fulgurants, je sens que je tiens au creux de mes mains un peu de ce monde vibrant de clameurs et de vie. Ce monde-là nourrit, emplit, traverse et creuse comme une rivière fait son lit. Et dans cette pulsation de l’eau, de la vie et des hommes, je sens que le vide qui m’assaille parfois ne peut que se combler.
Malgré les bourrasques de flocons au-dehors, je suis retournée, le temps d’un songe, emportée par un grain de sable du Karakoum, à Samarcande.
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Samarcande 2014 |
Dédé © Février 2018