Voici le temps de mon traditionnel conte de Noël. Comme souvent, il est peuplé d'animaux et d'esprits de la forêt car c'est dans la nature que je me sens le mieux et encore plus durant cette année 2024 qui a été plutôt compliquée à gérer. Vous y retrouverez certainement avec plaisir Bluette (pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, il faut remonter le fil du temps jusqu'à mes billets de 2020 du temps du COVID) qui se languissait de ce moment. J'espère que vous aurez du plaisir à cette lecture car j'ai longtemps hésité à écrire ce texte vu mon manque d'énergie du moment mais je vous l'offre comme un petit cadeau de Noël.
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Le petit faon était né au printemps. Malheureusement, une
tragédie avait frappé sa famille et Fanfan s’était retrouvé seul dans la grande
forêt, sans savoir comment faire pour survivre. Pourtant bien décidé à
découvrir le monde, il avait empaqueté quelques affaires et s’était lancé sur
les routes avec courage. Il avait traversé nombre de pays, certains tout plats,
d’autres très montagneux. Naviguant sur d’immenses navires, il avait eu le mal
de mer mais les facéties rieuses des dauphins qui encerclaient les bateaux lui
avait rendu son sourire. Il avait devisé de la marche du monde avec des
éléphants lors de soirées inoubliables en Afrique du Sud, avait participé à des
concours de luge en compagnie des ours blancs sur d’énormes icebergs en
Arctique et avait même gagné une compétition de saut en hauteur en Australie,
battant les meilleurs kangourous du monde. Mais au fond de lui, il restait
triste de n’avoir aucun foyer bien à lui dans une famille aimante et
protectrice.
Alors qu’il était de retour sur le vieux continent, il
franchit la frontière de la Suisse. L’automne était déjà bien entamé et les
vergers étaient vides. Il subsistait quelques trognons de pommes momifiées,
éparpillés sur les branches et par-dessous dans l’herbe pâlie, de rares tas
noirâtres de prunes ratatinées pourrissaient. Pluies et vents avaient dépouillé
définitivement les bois, les bosquets et les forêts. Affamé mais courageux, le
petit animal remonta la vallée du Rhône, ne sachant trop où aller.
En une nuit, la neige et le vent transformèrent le paysage. D’automnal,
il était devenu glacial avec un ciel gluant et bas et les quelques rayons d’un
soleil sans force se hissant à peine au-dessus de l’horizon ne parvenaient pas à
réchauffer le petit faon. Apeuré par cette atmosphère chaotique, lui qui était
né dans le gai printemps, il le fut encore plus lorsqu’il croisa le chemin de
la Vieille de l’Hiver, celle qui pétrifie chaque organisme vivant. Même si le
solstice n’était pas loin, la marâtre continuait sa tournée de terreur, ses
sacs et besaces encore pleins à craquer de blizzards, de bises, de hargnes, de
grêle et de gel à semer sur les campagnes rabougries, les toits grelottants et
les cheminées enrhumées. Sifflant, soufflant et ricanant, elle crachait de sa bouche
édentée de noirs génies à ailes coupantes, à griffes et becs crochus, glaçant
tout être vivant jusqu’aux os.
Afin d’échapper à cette horrible mégère, Fanfan s’engouffra
vaillamment dans la forêt. Quelle ne fut pas sa surprise, après quelques pas
chancelants dans la neige, d’entendre des rires et des conversations enjouées.
Alors que partout dans le monde, à cette saison, les arbres nus grelottaient,
là, leurs troncs et leurs branches étaient emmitouflés dans de somptueuses
écharpes de laine, tricotées par la bienveillante Fée Mélusine. Des branches
des sapins jaillissaient un concert ininterrompu. Mésanges bleues, charbonnières,
huppées et nonettes à capuches noires, rouges-gorges, troglodytes, accenteurs alpins, merles,
geais et bien d’autres oiseaux composaient cette symphonie sylvestre. Alors que
là-haut bruissaient les chants, à terre, c’était un autre spectacle encore plus
étonnant. Une file sans fin de nains à la peau ridée et aux vêtements d’écorce,
à la barbe de lichen et aux bonnets rouges zigzaguait entre les arbres, portant
à bout de bras un énorme sapin qui s’esclaffait de ses toutes ses vertes
branches. Fanfan, intrigué par tant d’animations et de bruits de toutes sortes,
décida de suivre le cortège, veillant à se dissimuler du mieux qu’il pouvait.
Ce défilé joyeux marcha, encore et encore jusqu’à arriver
devant un chalet tout en bois au pied de grandes montagnes, d’où s’échappaient
mille effluves sucrés. Les lutins à bonnet rouge frappèrent bruyamment à la
porte et une minuscule vache (Bluette) l’ouvrit à toute volée, poussant le
cortège et le sapin au milieu d’une énorme pièce. Fanfan, resté caché derrière
la fenêtre n’en crut pas ses yeux. Le sapin fut rapidement dressé, trônant
fièrement au milieu d’une foule d’animaux. Approchant de lui des grandes boîtes
qu’ils se mirent à ouvrir, ceux-ci déballèrent une multitude d’objets
merveilleux. Après quelques heures d’un travail acharné, le sapin se retrouva
paré de la plus belle manière qui soit. Il y avait là des traînées de
poussières d’anges, des cloches dorées, des boules rouges scintillantes, des
guirlandes dorées, des personnages tricotés et des lucioles s’éclairant les
unes après les autres. Emerveillé, Fanfan ne pouvait détacher ses yeux du
magnifique arbre de Noël.
C’est alors qu’il sentit un petit sabot lui caresser
gentiment le dos et lorsqu’il se retourna, Bluette la vachette se tenait,
minuscule et souriante, devant lui. Elle l’invita à entrer et Fanfan se
retrouva dans la chaleur du foyer dans lequel régnait un doux parfum frais de
forêt. Emu, il resta silencieux alors que de la cuisine s’échappaient des rires
tonitruants. Par la porte entrouverte, il vit avec surprise des marmitons
ratons-laveurs au travail, les pattes dans la farine, secondés par des
écureuils, des hermines et des belettes, sous la houlette d’un grand pâtissier
ours brun dont la toque scintillait de mille feux. Du four s’échappaient des
bonshommes de pain d’épices, des biscuits étoilés avec leurs parfums de cannelle,
d’anis et de cardamone et de nombreuses autres friandises sucrées que Fanfan
n’avait jamais goûtées. Et sur la table du salon trônait déjà un véritable
festin : fritures, beignets, chaussons et tant d’autres plats, confitures et
marmelades, tartes salées et sucrées, brioches beurrées et pains d’épices, fruits
confits et meringues glacées, autant de promesses gourmandes qui rappelèrent au
petit faon qu’il n’avait pas mangé depuis bien longtemps. Il se retrouva alors rapidement
installé entre une marmotte et un hérisson bavard, face à un élégant cerf et sa
biche et emporté dans une valse gourmande sans fin, il ne vit pas le temps
passer. Le clou du spectacle fut une énorme bûche de Noël, préparée par la
brigade des castors pâtissiers et apportée à table par d'élégants serveurs renards.
Epuisé par tant de merveilles, repu et choyé par tous ses nouveaux
amis, Fanfan s’endormit et fut à peine réveillé par un énorme bruit provenant de
l’autre bout de la pièce. En effet, le Père Noël avait encore grossi durant
l’année et il lui fut bien difficile de descendre dans la cheminée pour déposer
au pied du sapin une multitude de cadeaux. Emporté dans ses rêves, Fanfan ne
vit pas non plus une majestueuse étoile monter dans le ciel et une myriade de
feux follets, fantômes d’esprit, lutins, fées, sorcières et ogres parader dans
la grande nuit de l’Hiver. Il n’entendit pas les abeilles chanter toute la
nuit, les cerisiers fleurir à minuit, toutes les branches des arbres se
transformer en rameaux d’or et les bergers s’approcher timidement d’une étable
dans laquelle reposait un nouveau-né, entre un bœuf et un âne gris.
Le jour de Noël, Fanfan se réveilla, étrangement reposé et
Bluette lui apporta son cadeau. Pendant que tous les autres animaux faisaient
une ronde endiablée autour de lui, tremblant d’émotion, il déballa le paquet
chatoyant et découvrit à l’intérieur une minuscule boussole. L’ours brun lui
expliqua qu’ainsi, il retrouverait toujours le chemin de la maison, où qu’il aille
de par le monde.
Dans le petit chalet en bois au pied des grandes montagnes
régna toute la journée de Noël et durant tout l’hiver une douce atmosphère qui
éloigna la Vieille et les esprits maléfiques et Fanfan, rasséréné, sut qu’il
avait enfin trouvé un endroit bien à lui. Et même si dans le reste du monde,
durant ce grand Hiver régna les ténèbres, il y eut toujours sous les jonchées
givrées, des repousses de pétales étoilées.
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P.S. C'est avec ce conte de Noël que je vous laisse pour une durée indéterminée. Je vous souhaite de belles fêtes et une très belle nouvelle année 2025. Nous nous reverrons certainement quand celle-ci sera déjà entamée.