Œuvre de Giacometti, avec pour décor des toiles de Mark Rothko, Barnett Newman et Clyfford Still, Kunstmuseum de Bâle, Suisse
Cette photo a été prise à travers le verre de protection enserrant les personnages sculptés de Giacometti. J'ai trouvé que les reflets à travers le verre et jouant sur les oeuvres picturales en arrière-fond étaient une bonne illustration pour mon texte: une allégorie de l'humanité souvent perdue dans un monde incompris.
Pendant des années, le chemin se
déroule sans virage brusque et presque rectiligne. Nos choix paraissent les
meilleurs et aucune crainte ne nous assaille. Et puis soudain, un sentiment de
vide bouleverse un jour ce bel équilibre qui nous paraissait pourtant si
évident à peine quelques heures plus tôt. Cette sensation de ne plus nous
connaître ouvre un gouffre de questions existentielles.
Et si j’étais en train de passer
à côté de ma vie ? Quel sens a-t-elle jusque-là et qu’est-ce que je vais
laisser comme héritage et comme souvenir ? Mon existence n’est-elle pas
trop banale au regard de ce que j’espérais bien des années auparavant, fringuant
et joyeux de construire mes projets ?
L’angoisse monte alors,
incommensurable.
Et nous devenons, à nous-mêmes,
un ami inconnu, dont le nom même nous échappe et dont l’existence nous paraît
lointaine, indéchiffrable. On se croise alors devant un miroir et on se sourit
timidement et furtivement, de peur de scruter celui qui est en face et de ne
pas comprendre ce qu’il fait là à nous observer.
L’impression de passer à côté de
l’essentiel et de ne pas vivre exactement ce que l’on attendait conduit certains
à se lancer dans la quête de la perfection, du toujours mieux et du toujours
plus, en oubliant alors ce qu’ils ont ici et maintenant.
Mais vivre l’instant présent pleinement
et sans toujours rechercher ce qui est bien souvent inaccessible est primordial.
Si nous ne sommes jamais satisfaits de l’instantané, nous risquons d’oublier ce
que nous sommes en train de vivre en imaginant que ce qui viendra après ne peut
être que meilleur.
Le réel est irrationnel parfois,
hasardeux et toujours complexe, parfois triste et d’autres fois allègre. La
meilleure posture pourrait être d’accepter avec joie cette irrationalité :
être au milieu de sa vie, centré sur le présent et ne pas poursuivre des images
vaines qui nous emporteront au-delà des vraies joies du quotidien, si simples
soient-elles.
On a le choix de sa vision du
monde et de vivre en s’émerveillant encore et toujours de ce qui est à notre
portée et qui nous comble. Et de veiller, comme Marc-Aurèle le stoïcien le
suggérait, à ne pas passer sa vie à se lamenter sur le passé enfui et sur un
avenir toujours incertain. C’est une posture difficile mais pas
impossible : vivre dignement dans le présent en se rendant utile au bien
commun.
Dédé © Novembre 2016