vendredi 7 février 2025

Fenêtre sur le monde

 


Après avoir quitté la côte du Sud de la Gran Canaria, bien trop bruyante et peuplée à notre goût, des routes escarpées et vertigineuses nous ont conduit au centre de l'île, dans un paysage d'une beauté époustouflante. Le Roque Nublo, monolithe altier, vestige d'une explosion volcanique datant de millions d'années, se dressait fièrement au milieu d'un décor ravagé de falaises, de ravins, de hauts plateaux et de forêts de pins. Sur Tenerife, l'île d'en face, le majestueux et lointain Teide nous faisait signe, tranquillement assoupi au-dessus des brumes éthérées.

L'architecture de ce paysage volcanique ne pouvait que triturer l'âme et le coeur et nos aventures sur les chemins de randonnée de l'île n'ont été que successions de découvertes ennivrantes, faites de couleurs chatoyantes, à l'opposé de notre hiver alpin parfois bien trop monochrome. Malgré un relief et un dénivellé exigeant, même pour des randonneurs pourtant habitués aux chemins alpins, s'élever sur le flancs des sommets représentait une expérience magique, à la fois apaisante et vivifiante. Au coeur du mois de janvier, les amandiers commencaient en effet leur éclatante floraison alors que nombre de plantes grasses nous offraient des fleurs élégantes et délicates, si fragiles et si fortes à la fois, comme des palettes de coloris intenses déposés sur le vert et le brun des décors montagneux.

Les ravissants villages multicolores accrochés à des parois vertigineuses, les bouquets de palmiers et bananiers dans les tréfonds des barrancos humides, ce bleu du ciel si intense, l'Atlantique et ses fougueuses vagues, les dunes mystérieuses d'un tout petit désert, le goût sucré des bananes, les généreux orangers et ce vent lancinant venu du large balayant toutes nos certitudes de continentaux, nous ont révélé un monde de merveilles infinies. 

Même Las Palmas, bruyante et bouillonnante métropole en bord de mer, ni vraiment canarienne ni tout à fait espagnole et déjà presque sud-américaine, nous a subjugués en nous offrant un dédale de ruelles chatoyantes que Christophe Colomb avait arpentées bien avant nous, en 1492, lors de son escale sur l'île avant sa découverte du Nouveau Monde. Les lourdes portes en bois massif des maisons des vieux quartiers ne demandaient qu'à être poussées pour entrer dans l'Histoire, en dévoilant des patios fleuris et des cours secrètes, chuchotant des histoires de traversées des océans et de commerces de fruits exotiques. 

Chaque exploration dans notre escapade hivernale a tissé un fil à travers l'étoffe riche et colorée de cette île, la transformant en un souvenir précieux que nous garderons inscrit dans la prunelle de nos yeux.

Aujourd'hui, face à mes Alpes enneigées, je me souviens avec gratitude et émotion de ce que la nature nous offre ici et là, comme autant de fenêtres sur le monde, et le chant enjoué et espiègle du serin des Canaries reste gravé au fond de mon coeur exalté par tant de beauté.




Dédé@Février 2025