Les petits lacs brillaient sous le soleil radieux
ou sous les caresses étincelantes de la pluie, entourés de montagnes un peu
timides. Pas aussi élevées que celles que je contemple habituellement, elles baignaient
pourtant dans une atmosphère magique, parcourues à la nuit tombée d’êtres
mystérieux dont on ne voit jamais les traces le matin venu, mais qu’on sent
confusément dormir au creux des pierres millénaires.
Les villages semblaient vivre hors du temps, délicatement posés sur le rivage, avec leurs clochers et leurs maisons de bois se mirant dans les eaux vertes et turquoises. Et chaque quart d’heure, une cloche rappelait le temps qui passe s’écoulant comme un fleuve tranquille.
Me lovant dans ces paysages idylliques et marchant
dans cette nature généreuse remplie de bruissements d’insectes et de chants
d’oiseaux espiègles, j’ai respiré le parfum des herbes folles et plongé dans
les eaux si pures du lac enchanteur. Quelques bruits de tracteurs vrombissants
traversaient les prairies ondulantes sous un petit vent chaud d’été alors que
les bateaux naviguaient sur les vagues discrètes.
Une petite église somptueuse à l’écart des grands
chemins m’a ouvert ses lourds battants, révélant à mes yeux ébahis sa magnificence.
Puis la cloche dans la blanche chapelle accrochée à la paroi rocheuse a chanté
sur le sentier des pèlerins du temps passé. Et le Danube, coulant
tranquillement dans la vaste plaine, a ravi mon cœur d’enfant, faisant
ressurgir les notes mythiques d’une valse qui tourbillonne encore et toujours
dans les plus grandes salles de concerts du monde.
Il y a de ces lieux dans lesquels on aimerait se fondre à jamais le temps de l’éternité, comme il n’y a pas si longtemps une triste et mélancolique souveraine préférant chevaucher dans la forêt que de s’enfermer dans les palais fastueux de la Vienne impériale.
Qu’il était vivant ce cortège improvisé suivant la
fanfare dans les rues du petit village s’assoupissant pour la nuit et
combien étaient concentrés les membres de ce quintet applaudi pour tant de vivacité
et d’enthousiasme !
Perdue aujourd’hui dans les souvenirs de cette
escapade hors du temps, j’entends résonner à mes oreilles quelques notes des
plus belles partitions de Mozart, enfant du pays et génie un peu fou, mort bien
trop tôt d’avoir sans doute trop vécu. Une douce nostalgie m’envahit à
l’évocation des airs fameux du grand maître, chantés et joués dans une fastueuse
salle éclairée de mille bougies, dans une ambiance joyeuse, rehaussée par le
jeu espiègle du contrebassiste.
Mais ce petit pont de bois magique, enjambant un
lac un peu triste, écrasé par de lourds nuages gonflés de larmes, me conduira
sans doute dans ton palais caché là-haut dans la montagne, dans lequel nous
nous retrouverons, tels deux voyageurs éternels, pressés d’étreindre nos mains à
l’écart du monde.
Autriche
Dédé © Septembre 2017