Il se tenait là, sentinelle de bois et de pierre, tel un vestige vivant d'un temps oublié. Depuis combien d'années était-il inhabité ? Nul ne le savait et ce mystère ajoutait à sa présence une densité presque sacrée. Derrière ses murs épais, on devinait la respiration discrète d’êtres mystérieux de la montagne ou peut-être seulement la course de fouines espiègles. Le vieux chalet portait surtout les traces des hivers qui avaient poli ses façades et creusé son silence.
En ce matin clair, les sommets se découpaient sous un ciel limpide, et le soleil, étoile glissant entre les arêtes, inondait le refuge d’une franche lumière. Tout semblait retenu, comme si l’air lui-même se figeait pour écouter la fidélité muette de cette bâtisse. Sous cet éclat, le chalet s’ébroua : un long frisson de bois craquants, un toit fatigué qui se secoue comme pour reprendre vie, rappel discret qu’il demeurait fragile mais entier malgré les ans, les bourrasques et cette solitude qui façonne autant qu’elle use.
Alors, sous la dorure timide de l'aube, il nous enseigna l’art de l'attente : regarder sans hâte, écouter sans troubler, accueillir le calme comme une présence profonde. Dans son immobilité vibrante, chaque fissure, chaque soupir du vent préparait en secret quelque chose de plus grand. Il montrait que la force ne naît pas du tumulte mais de cette manière douce de traverser le temps, de laisser les saisons nous modeler et d’accompagner le monde dans son avènement silencieux.
Devant ce petit chalet esseulé et dans la froidure intransigeante d'un mois de novembre finissant, j'ai ainsi compris que lorsque le cœur vacille et que le paysage se couvre de blanc, il ne suffit pas de rester debout : il faut s’assouplir, offrir au froid la part de nous qu’il veut façonner, laisser l’hiver retoucher nos lignes intérieures et permettre au vivant de poursuivre son œuvre sous la neige, jusqu’à ce que la lumière revienne, discrète, effleurer la terre.
S’ancrer dans le monde n’est pas un triomphe ; c’est un souffle discret qui traverse les heures lourdes sans se briser et laisse s’ouvrir un jour éclatant, dans le murmure doux des grands sapins et des plus modestes arbustes.
Dédé@Décembre 2025

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