vendredi 2 décembre 2016

Instant magique (3 et fin)





Après avoir emprunté un virage sur le sentier caillouteux, j’ai senti une présence derrière moi et soudain a jailli de sous les arbres un élégant animal cornu. Il m’a dépassée en gambadant joyeusement. J’ai eu toutes les peines du monde à le suivre et c’est à bout de souffle que j’ai émergé dans une petite clairière entourée d’arbres majestueux.  

C’est alors que la même voix que j’avais déjà entendue auparavant résonna une nouvelle fois en demandant de m’arrêter. Devant moi se dressait un chêne massif et altier, la voix semblant surgir de son écorce rugueuse. Elle me parla en ces termes :

« Regarde autour de toi et observe avec respect ce que la nature vous offre à vous, les humains, au fil des saisons. Au printemps, les bourgeons naissent à la tendre lumière du soleil et habillent d’un doux duvet les arbres revenus à la vie. En été, les feuilles bruissent dans la chaleur étouffante en offrant un abri de fraîcheur à qui sait s’arrêter pour caresser les troncs massifs. Mais c’est en automne que les végétaux ouvrent leurs plus beaux coffrets pour déverser sur la terre leur or chatoyant. Les feuilles qui tapissent les chemins les illuminent un temps avant les premiers frimas et font le bonheur des enfants avides de couleurs. En hiver, les arbres s’enveloppent dans les flocons de neige pour se reposer avant de naître à la vie le printemps revenu. Il est de ton devoir de préserver le cycle de nos existences pour donner aux générations futures des bouquets de forêts qui égayeront toujours vos campagnes et montagnes. »

Ebranlée par ce discours, j’ai à peine eu le temps de reprendre mon souffle que les arbres se mirent à s’agiter doucement, laissant tomber au sol une radieuse pluie d’or. Les feuilles virevoltèrent encore et apparut une foule de farfadets guillerets jouant d’instruments aux formes inconnues formant une fanfare bigarrée. L’un d’entre eux vint me prendre la main et je fus entraînée dans une valse tourbillonnante de plus en plus rapide.  Prise de vertige, j’entraperçus le petit poney qui battait la mesure avec ses sabots et me regardait de ses grands yeux sombres et affectueux. Et les champignons, d’habitude si timides, se balançaient au rythme de la musique, agitant joyeusement leurs chapeaux. 

Soudain, tout redevint calme et je me retrouvais assise par terre, alors qu’un éclair fulgurant illuminait brièvement les sous-bois. Je me suis retournée en cherchant des yeux la fanfare espiègle mais les arbres étaient redevenus silencieux et le vieux chêne semblait absorbé dans une méditation silencieuse. Je me frottais les yeux, consciente que j’étais à nouveau seule. C’est à ce moment-là que je vis à mes pieds un bouquet de feuilles brillantes, comme si elles étaient ceintes de mille diamants. Je compris alors que la forêt m’avait fait un cadeau éternel dont je devais prendre le plus grand soin. 

Aujourd’hui, je me souviens encore avec émotion de cet épisode magique. Et lorsque la nuit descend dans ma demeure et que l’obscurité envahit peu à peu les pièces, brillent encore les petites feuilles d’automne toujours serties de diamants de rosée. Et si je me concentre longuement, j’entends résonner quelques notes oubliées, soufflées par le petit orchestre forestier. 

Ceux qui ne me croient pas aujourd’hui devraient pourtant se souvenir que la nature est un temple qu’il faut préserver. Et même si les arbres ne nous parlent pas tous les jours et que les lutins ne parcourent pas toujours nos chemins, la forêt et ce qui l’entoure ne doivent pas souffrir de la folie des hommes avides de les dominer.









Dédé © Décembre 2016

vendredi 25 novembre 2016

Instant magique (2)

Forêt Noire, Allemagne



J’ai poursuivi mon périple dans cette noble contrée magique, le sourire aux lèvres et le cœur en fête. Caressant du regard des arbres centenaires, parcourant des sous-bois odorants, mes pas m’ont menée par monts et par vaux dans un doux paysage ceint de surprises multiples se dorant dans les rayons du soleil automnal : lac aux reflets majestueux, végétaux colorés et troncs altiers ont été mes compagnons dans la fuite de mon monde trop bruyant et oppressant. 

Sans cesse pourtant, alors que j’étais seule sur le sentier, j’ai perçu de nombreux bruits, certainement le fait de farfadets malicieux, partis à mes trousses et décidés sans doute à importuner celle qui s’était permise de violer leur espace interdit.

Apercevant au loin un petit village oublié dans un creux herbeux, j’ai pris à contrecœur la décision de retourner dans le monde des hommes car malheureusement, l’émerveillement ne dure qu’un instant et le soleil allait bientôt rentrer sagement au bercail pour se blottir derrière la lune. 

Mais c’était sans compter sur la présence chaleureuse d’un poney à la robe chatoyante qui s’approcha lentement de la clôture le séparant de mon chemin. Arrivé à ma hauteur, il a levé sa tête et m’a lancé un regard si doux que j’en suis restée immobile pendant plusieurs minutes, n’osant respirer, de peur que la petite créature ne s’effraie et ne retourne à son pré.

A résonné alors dans ma tête une voix grave, m’enjoignant de poursuivre ma route sans m’arrêter et de cheminer à la suite d’un animal que je rencontrerai bientôt. Dans ce discours venu d’un autre âge, j’ai également entendu que la forêt allait me délivrer un message intemporel qui scellerait à jamais mon alliance avec les forces naturelles.

L’esprit en ébullition et l’émotion au bord des yeux, j’ai regardé l’élégant cheval nain à la crinière flamboyante repartir nonchalamment sur ses pas, non sans m’avoir fait un petit clin d’œil malicieux.

Dynamisée par une énergie nouvelle, n’osant croire à cette invitation qui m’était lancée, j’ai alors repris ma route, poussée par une force inconnue et bien décidée à aller jusqu’au bout de cette mystérieuse aventure sylvestre.





A suivre...



Dédé © Novembre 2016

vendredi 18 novembre 2016

Instant magique (1)


Forêt Noire, Allemagne




Le silence régnait dans la forêt profonde, à peine perturbé par le bruissement du vent dans les arbres. 

Les esprits de la forêt, m’observant depuis longtemps déjà, ont décidé de caresser les troncs à mon entrée dans leur cachette oubliée et, dans un murmure joyeux, une pluie d’or s’est déposée sur une terre avide de tendresse. 

Retenant mon souffle pour m’imprégner de cet instant magique, j’ai levé les yeux au ciel, admirant cette lente danse des feuilles et j’ai saisi au vol la valse des derniers vestiges de l’été, s’étiolant doucement sur la terre d’automne.

Une lumière vive m’a alors aveuglée et prise de vertige, je n’ai pu que constater un frôlement presque imperceptible contre moi et quelques rires étouffés ont jailli dans les bosquets. Clignant des yeux, j’ai entraperçu des ombres furtives disparaissant en chahutant dans le lointain. 

Espiègles, les esprits de la forêt sont retournés dans leur repère enchanté, me laissant seule face à moi-même. 

Reprenant lentement conscience, je me suis alors demandée si tout cela était réel ou si je venais simplement de rêver tout éveillée. Mais baissant les yeux au sol, j’ai constaté qu’un tapis doré se déroulait devant moi alors qu’auparavant, le chemin était seulement recouvert de petits cailloux. 

N’osant fouler ce revêtement majestueux, j’ai avancé lentement et doucement pour que ce moment envoûtant dure toujours. Reprenant mon voyage, j’ai même cru percevoir quelques arbres majestueux s’incliner sur mon passage. 

Une petite musique cristalline m’a accompagnée longtemps, sans doute jouée par une fée sylvestre oubliée depuis l’éternité. 

Esquissant un sourire, j’ai compris que le réel n’est pas si éloigné de l’imaginaire et qu’il suffit parfois de laisser émerger ses rêves pour qu’ils se réalisent.








A suivre...

Dédé © Novembre 2016