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vendredi 20 janvier 2017

Partir (3)

Quelque part ailleurs




Je suis partie. Pour un ailleurs que je ne connaissais pas. Pour marcher et gravir des montagnes. Pour découvrir l’Autre qui ne vit pas comme moi.

J’ai vu des hommes et des femmes bien plus pauvres que moi mais sans doute plus riches de sourires, de gaieté, de simplicité et de douceur de vivre. Et la musique a guidé mes pas dans l’exploration de cet ailleurs, elle qui fait vivre et danser un peuple joyeux et bigarré et qui transcende ses souffrances.

A mon sens, voyager, c’est dépasser ce que le guide de voyage raconte, aller au-delà des écrits dans les livres. C’est s’ouvrir et respirer, observer et comprendre même si, il faut le reconnaître, je n’ai parfois rien saisi et que cela m’a conduit parfois dans des situations inextricables.

Après mon retour, ma valise défaite et mes quelques affaires rangées, je n’arrive pourtant pas encore à prendre toute la mesure de ce que j’ai vécu.

La beauté des paysages, les sourires des personnes rencontrées et leur gentillesse mais aussi leur pauvreté m’ont remuée au plus profond de moi-même.

Je revois ce moment tout à fait inattendu, inespéré, dans un coin de campagne, où un homme, vivant comme dans nos temps anciens, guidait ses bêtes sur un chemin escarpé, avec la facilité d’un sportif d’élite, alors qu’aux pieds, il n’était chaussé que de vieilles tongues usées jusqu’à la corde. Et pendant que je suais avec mon matériel ultramoderne, perdue dans l’immensité de la verte montagne, j’ai senti que malgré la frontière de la langue, la rencontre se faisait à un autre niveau, celui du langage non-verbal, dans l’expression du regard et dans l’aide simple apportée par cet individu dans un moment clé de mon périple. En quelque sorte, je me suis sentie foudroyée par ce décalage entre la touriste moderne qui croit connaître un pays par la simple lecture d’une carte topographique et l’homme traversant les temps et les montagnes, préoccupé par sa subsistance et par la volonté de conduire ses bêtes par monts et par vaux. Et cette harmonie simplissime d’un coin de campagne, oublié de notre modernité bien souvent décolorée et triste de sa suffisance, m’a fait entrevoir la futilité dont se revêtent souvent nos existences trépidantes et superficielles, complètement déconnectées de la nature et de l’Homme.

Plus tard, alors que la fanfare municipale, réunissant des musiciens sans doute moins formés que nos concertistes peuplant nos conservatoires, jouant sur des instruments pas très accordés, égrainait ses notes enjouées, je me suis dit qu’elle était révélatrice de ce pays : volontaire, humaine, un peu fausse mais distillant des mélodies joyeuses et relevées qui enchantaient un public heureux de se retrouver devant le kiosque à musique.

Ces rencontres improbables, providentielles parfois, dont je garde un souvenir lumineux, ont eu le mérite de me faire comprendre que l’envie de parcourir les chemins de l’humanité me traverse encore et toujours, avec ce désir profond de connaissance. Me rapprocher du ciel, sentir la pierre sous mes doigts et sous mes pas, rencontrer des hommes qui savent prendre le temps de vivre et qui peuvent m’aider à forger mon esprit et mon cœur, voilà un but que je me fixe pour les années à venir.

J’ai encore l’envie de frôler la beauté à l’état pur et de voir des visages radieux et inconnus. Je rêve de reprendre la route et les chemins sur lesquels mon corps harassé de fatigue, transcendé par l’effort, libèrera ma pensée pour me conduire à l’essentiel, à la quintessence de l’humanité : la simplicité d’un sourire, d’une salutation et d’un geste dépassant la barrière de la langue et des frontières. La marche me transporte, me place face à moi-même, à mes doutes et à mes peurs, à mes contradictions. Mon esprit s’envole enfin après ces kilomètres, faisant voler en éclat mon environnement habituel qui conditionne bien souvent mes gestes et mes pensées et m’enferme dans une routine parfois insupportable.

Le retour m’est difficile, même si je retrouve mes habitudes, mes amis et ma famille.

Ce voyage m’aura formée, ou plutôt déformée, retournée, chamboulée et j’essaie depuis quelques jours de retrouver une bouée pour revenir à mon rivage. Car je tangue encore dans les souvenirs, aux confins des montagnes vertes et acérées et sur cette mer houleuse qui m’a emportée dans ses roulis fougueux.

C’est bien au sommet de ces pics rugueux et fiers et duquel mon regard s’est porté au loin et s’est sans doute perdu que je me suis surprise à côtoyer une forme de divin.

C’est bouleversant.

Nos sociétés, imbues d’elles-mêmes, de leur progrès technologique et économique, devraient pourtant se souvenir que l’essentiel n’est pas dans la vitesse, dans le bruit, dans l’éclat futile de tant de choses mais plutôt dans la lenteur, la découverte tranquille de l’autre et surtout dans le respect de sa différence. 




Le choc des civilisations


Dédé © Janvier 2017


vendredi 21 octobre 2016

Alpinistes de l'extrême

Piz Palü, face nord, Grisons, Suisse

La montagne a longtemps été perçue comme une résidence sacrée, lieu de rencontre entre la terre et le ciel : l’Olympe, l’Ararat, le Sinaï ont ainsi hanté l’imaginaire des peuples vivant à l’ombre de leurs contreforts. Puis, les sommets et leurs flancs abruptes sont devenus le refuge des moines et des ermites, voulant fuir les turpitudes terrestres et s’en extraire pour se rapprocher de l’essentiel. Saint François parlait à Frère Vent et Sœur Eau dans les rochers des Alpes de la Luna.


L’alpinisme est apparu bien plus tard comme une discipline de conquêtes et d’exploits sportifs : Mont-Blanc, Cervin, Everest, Cerro Torre et bien d’autres pics vertigineux, longtemps admirés depuis leur base ou de loin, ont vu leurs parois foulées par des hommes avides d’aventures et d’exploits. 


Les alpinistes parlent d’histoires qui n’appartiennent qu’à eux : l’effort immense, accablant à tous les instants ; le poids du corps qu’ils doivent hisser toujours plus haut jusqu’à ce sommet tant espéré en même temps qu’haï et surtout l’ivresse de la plénitude qui les envahit une fois planté le dernier coup de piolet.


Leur visage rayonne longtemps encore après ces ascensions dans lesquelles ils découvrent leur vérité profonde, ne s’exprimant que dans ces moments d’adversité où l’homme est minuscule face à la nature. Ils relatent inlassablement le déluge de neige et de pluie qui va plâtrer toutes les aspérités de la roche d’une carapace de glace rendant les voies presque impraticables et leurs rêves indomptables. 


Mais, face à tous ces actes de bravoure physique et d’aventures humaines incroyables, il y a les obstacles, sans doute moins solennels que l’ascension d’un sommet, qui parsèment notre existence et font notre quotidien. Ils sont la matière de ce que nous devons vaincre, jour après jour, pour continuer le périple. Parfois abruptes, paraissant infranchissables, d’autres fois plus doux mais tout aussi douloureux, ils demandent volonté et ténacité pour en venir à bout et permettre de respirer à nouveau à plein poumons, sans bonbonne d’oxygène. 


Au plus fort de l’adversité, j’ai toujours tourné le regard vers les montagnes en les parcourant de tous côtés, afin de vaincre les difficultés de la vie et naviguer dans mes tempêtes intérieures. 


Alors, faire halte là-haut ou naviguer sur la surface de la mer, parcourir des prairies ondoyantes ou planer dans les airs vivifiants, traverser un désert ou s’enfoncer dans une forêt silencieuse, devient un parcours initiatique permettant de relier le corps et l’esprit et de dénouer toutes les tensions de notre vie trépidante. La nature est là pour aider l’homme à recentrer ses énergies. 


Avec la volonté, l’énergie, le cœur et l’esprit il est possible de se lancer à l’assaut des sommets du bonheur.  



Nous sommes tous des alpinistes de l’extrême.


Massif du Mont-Rose, Valais, Suisse



Dédé © Octobre 2016