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vendredi 30 octobre 2020

La vie, cet exploit

La face nord de l'Eiger (à gauche) et le Mönch, Alpes bernoises, Suisse

 

La face nord de l’Eiger, un nom mythique pour tout alpiniste.

De la base de la paroi jusqu'à son sommet culminant à 3970 mètres, son dénivelé ne compte pas moins de 1600 mètres. Nombreuses sont les voies qui y mènent aux doux noms poétiques alors que c’est souvent l’enfer qui accueille les alpinistes intrépides : « Le chant du cygne », « Yéti », « Symphonie de la liberté ».

« Brusquement, nous débouchons sur l’arête de Mittelgi que le brouillard nous cachait. Cette fois-ci c’est vrai. Nous avons vaincu l’Eigerwand. Nulle émotion violente ne m’étreint : ni l’orgueil d’avoir réalisé un exploit envié, ni la joie d’achever une tâche difficile. Sur cette arête perdue dans le brouillard, je ne suis plus qu’une bête fatiguée que la faim tenaille. J’éprouve seulement la satisfaction animale de sentir que je viens de sauver ma peau ». C’est ainsi que Lionel Terray décrit cette ascension dantesque en juillet 1947 dans son livre magnifique « Les Conquérants de l’Inutile ».

S’il fallait ne retenir qu’une ascension de ce géant tourné au Nord, ce serait peut-être cette cordée française, Lachenal-Terray, après celle de l’Allemand Heckmair et ses équipiers qui avait rendu le Führer si fier en 1938.  Là, pas de premier de cordée, pas de second, la cordée est une, à la fois tranquille et impulsive, comme les caractères des deux alpinistes.

Aujourd’hui, je retrouve cette photo, datant d’octobre 2019. L’Eiger me fera toujours le même effet, une sorte de peur mêlée de respect. Mais une montagne reste une montagne. On peut décider de l’escalader ou non. On peut rester à ses pieds, admiratif et conscient de sa beauté.  Et ce n’est pas parce qu’on ne l’escalade pas qu’on n’est pas un excellent alpiniste. Car les obstacles dans nos vies sont légion à surmonter, à passer pour mieux repartir sur l’autre versant. Vivre aujourd’hui, conscient de notre petitesse, de notre passage éphémère sur cette terre, solidaire avec ceux qui souffrent, sachant qu’on a ses limites, c’est déjà en soi une sorte de prouesse. Et si aujourd’hui, notre exploit était donc de vivre, sans céder à la peur, en s’adaptant au contexte actuel, en étant un grimpeur émérite, les yeux levés vers le sommet, remplis d’espérance ?

Ce jour-là, sur le petit sentier panoramique, c’est aux alpinistes chevronnées que j’ai pensés, dont mon Papa. Mais aussi à toutes celles et ceux qui, chaque jour, vainquent des sommets dont on ne parlera sans doute jamais mais qui les feront grandir dans leur humanité. Alors je t’ai suivi, allègrement, bien au-dessus des turpitudes terrestres. Et j’ai décidé, en souriant, que le petit chemin suffirait. La face Nord de l’Eiger pouvait encore attendre…

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Ce texte est dédié à Candide (il se reconnaîtra).  Mon cher, il suffit parfois de parcourir simplement le petit sentier pour être heureux.


 Dédé © Octobre 2020

vendredi 21 octobre 2016

Alpinistes de l'extrême

Piz Palü, face nord, Grisons, Suisse

La montagne a longtemps été perçue comme une résidence sacrée, lieu de rencontre entre la terre et le ciel : l’Olympe, l’Ararat, le Sinaï ont ainsi hanté l’imaginaire des peuples vivant à l’ombre de leurs contreforts. Puis, les sommets et leurs flancs abruptes sont devenus le refuge des moines et des ermites, voulant fuir les turpitudes terrestres et s’en extraire pour se rapprocher de l’essentiel. Saint François parlait à Frère Vent et Sœur Eau dans les rochers des Alpes de la Luna.


L’alpinisme est apparu bien plus tard comme une discipline de conquêtes et d’exploits sportifs : Mont-Blanc, Cervin, Everest, Cerro Torre et bien d’autres pics vertigineux, longtemps admirés depuis leur base ou de loin, ont vu leurs parois foulées par des hommes avides d’aventures et d’exploits. 


Les alpinistes parlent d’histoires qui n’appartiennent qu’à eux : l’effort immense, accablant à tous les instants ; le poids du corps qu’ils doivent hisser toujours plus haut jusqu’à ce sommet tant espéré en même temps qu’haï et surtout l’ivresse de la plénitude qui les envahit une fois planté le dernier coup de piolet.


Leur visage rayonne longtemps encore après ces ascensions dans lesquelles ils découvrent leur vérité profonde, ne s’exprimant que dans ces moments d’adversité où l’homme est minuscule face à la nature. Ils relatent inlassablement le déluge de neige et de pluie qui va plâtrer toutes les aspérités de la roche d’une carapace de glace rendant les voies presque impraticables et leurs rêves indomptables. 


Mais, face à tous ces actes de bravoure physique et d’aventures humaines incroyables, il y a les obstacles, sans doute moins solennels que l’ascension d’un sommet, qui parsèment notre existence et font notre quotidien. Ils sont la matière de ce que nous devons vaincre, jour après jour, pour continuer le périple. Parfois abruptes, paraissant infranchissables, d’autres fois plus doux mais tout aussi douloureux, ils demandent volonté et ténacité pour en venir à bout et permettre de respirer à nouveau à plein poumons, sans bonbonne d’oxygène. 


Au plus fort de l’adversité, j’ai toujours tourné le regard vers les montagnes en les parcourant de tous côtés, afin de vaincre les difficultés de la vie et naviguer dans mes tempêtes intérieures. 


Alors, faire halte là-haut ou naviguer sur la surface de la mer, parcourir des prairies ondoyantes ou planer dans les airs vivifiants, traverser un désert ou s’enfoncer dans une forêt silencieuse, devient un parcours initiatique permettant de relier le corps et l’esprit et de dénouer toutes les tensions de notre vie trépidante. La nature est là pour aider l’homme à recentrer ses énergies. 


Avec la volonté, l’énergie, le cœur et l’esprit il est possible de se lancer à l’assaut des sommets du bonheur.  



Nous sommes tous des alpinistes de l’extrême.


Massif du Mont-Rose, Valais, Suisse



Dédé © Octobre 2016